Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

La comédienne française n’a jamais été mieux filmée que dans Espion(s), le thriller de Nicolas Saada. Elle s’y révèle aussi vulnérable qu’émouvante.

Son éclectisme aurait-il nuit à Géraldine Pailhas? La variété de ses rôles, l’étendue de son registre, ont peut-être empêché cette comédienne aussi subtile que belle d’imposer durablement une image définie, « vendeuse », comme il est – malheureusement – bon d’en posséder dans un cinéma français encore marqué par la tradition théâtrale des « emplois ». Voici déjà dix-sept ans qu’elle fut élue au César du « meilleur espoir féminin » pour son personnage d’infirmière en temps de guerre dans La Neige et le feu de Claude Pinoteau. Et même si elle reçut une nomination au César du meilleur second rôle en 2004 pour Le Coût de la vie (de Philippe Le Guay), on ne saurait dire que cette excellente actrice obtient la reconnaissance que son talent mérite pourtant. Pialat ( Le Garçu), Harel ( Les Randonneurs), Klapisch ( Peut-être), Dupeyron ( La Chambre des officiers), Garcia ( L’Adversaire), Ozon ( 5 x 2) ou Bonitzer ( Je pense à vous), l’ont accueillie avec bonheur, mais nul ne l’a filmée aussi bien que le fait Nicolas Saada. Après en avoir fait l’actrice de son court métrage Les Parallèles en 2004, il la magnifie dans son premier long, Espion(s).

Clair-obscur « Le personnage de Claire est une belle aventure« , explique celle qui incarne dans le film l’épouse française d’un homme d’affaires britannique menant (à son insu) des opérations très louches avec des diplomates syriens terroristes.  » Son mari la perçoit comme un être fragile, qu’il doit protéger en lui cachant ce qu’il fait, en préservant son innocence. Mais en faisant cela, il la manipule, tout comme le fera le jeune agent du contre-espionnage français joué par Guillaume Canet, qui va se servir d’elle pour atteindre son époux… , poursuit la native de Marseille. Claire s’est mise elle-même entre parenthèses, c’est ainsi qu’elle a choisi de fonctionner… Mais pas de vivre, car elle n’est pas vraiment en vie, cette femme-là, au début du film! »

Cadrée par une caméra qui trouve la juste distance entre réalisme et admiration hitchcockienne pour une héroïne se révélant peu à peu, la comédienne exprime les mille et une nuances d’un rôle superbe. « Au fur et à mesure qu’elle s’éveille à autre chose (même si c’est à l’occasion d’un nouveau mensonge), Claire évolue, se dénude, sans jamais plus chercher à se protéger. Elle assume sa vulnérabilité, elle va totalement s’abandonner, se brûler, avec une innocence qui en fait un personnage déchirant pour le spectateur (qui a toujours une longueur d’avance sur elle), et qui me touche infiniment  » Des mots venus du c£ur, pour une interprétation chargée d’une émotion subtile, qui nous accompagne bien au-delà du générique final et devrait ouvrir les yeux de nombreux réalisateurs, tant le cinéma français manque d’interprètes de cette étoffe. l

Louis Danvers

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