Freaks Show

D’un trait doux, Alexandre Kha s’interroge sur la nature humaine via un conte rempli de monstres parfois gentils et d’une femme-automate très envoûtante.

Ce soir, les jeunes André et Antoine vont s’offrir un peu de bon temps et quelques sensations fortes. Après avoir bu un verre à côté de l’homme-caïman (qui veut des crustacés), ils se dirigent vers « Freaks », une kermesse ambulante et fauchée qui fait la part belle aux monstres: garçon-homard, enfant-pingouin, vénus aux serpents, homme-cible, aztèques microcéphales ou danseuses élastiques, il y en a pour tous les goûts, surtout les plus bizarres. À l’image de l’étrange et envoûtante Olympia, une femme-automate,  » ravissant monstre aux yeux d’or » née à Vilnius en 1790, imbattable aux échecs, munie de soufflets en guise de poumons, et pourtant moins inhumaine qu’il n’y paraît: il existerait  » une faille dans son programme, une faiblesse, peut-être pour la rendre plus humaine« ; mieux, ou pire: Olympia ressemble  » comme deux lueurs dans la nuit » à Lola, la fille de l’horloger et savant fou qui a réparé et reprogrammé l’automate. Ce dernier aurait placé le coeur encore palpitant de la soeur jumelle de Lola, morte dans un accident, dans sa cage thoracique… Et  » il lui a greffé un visage identique au sien » . C’est dire si dans ce Sortilège de la femme-automate, les monstres ne seront pas ceux que l’on croit.

Freaks Show

La glace et le feu

Un univers fantastique et fantasmagorique qui rappelle tour à tour Tod Browning, Tim Burton ou Carlos Nine pour son inventivité, sa folie et son goût des monstres tristes, mais qu’Alexandre Kha manie avec un traitement graphique qui renvoie lui, plutôt vers Luke Pearson ou notre compatriote Pierre Lecrenier -une ligne claire, moderne et douce, monocorde jusque dans ses phylactères: ce Sortilège a l’art de manier l’extravagant sans avoir l’air d’y toucher! L’auteur choisit même sciemment d’augmenter encore le trouble, tel un feu qu l’on recouvrirait de glace, en usant d’une bichromie de bleu à peine dégradée, laquelle finit de plonger ce conte horrifique dans des atmosphères malaisantes et quasi irréelles. Un jeu narratif et graphique qui vient souligner le propos de ce conte déjà atypique, et de cette femme- automate qui oblige les gens qui la croisent à se questionner sur leur propre humanité, et sur ce qui la constitue. Déjà auteur de cinq albums chez l’éditeur Tanibis (dont L’Attrapeur d’images ou Les Nuits rouges du théâtre d’épouvante) et d’un septième d’ores et déjà annoncé ( Le Théorème funeste), Alexandre Kha construit en tout cas une oeuvre aussi atypique à l’extérieur qu’homogène à l’intérieur de son propre sillon, entre conte fantastique et thriller métaphysique.

Le Sortilège de la femme-automate

D’Alexandre Kha, éditions Tanibis, 88 pages.

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