Festival de Deauville (2): Femmes au bord de la crise de nerfs

Sarah Silverman dans I Smile Back © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Portraits de femmes cokées et à la dérive dans Day Out of Days de Zoe Cassavetes et I Smile Back d’Adam Salky, deux des quatorze films présentés en Compétition cette année à Deauville. Grosse ambiance, donc.

Un Los Angeles passé au filtre de la mélancolie, une bande son synthétique, les excentricités et cruels retours de bâton propres au milieu tout sauf doré du 7e art, une scène rigolo-dépressive tournée au Château Marmont: impossible de ne pas penser au cinéma de Sofia Coppola, une autre « fille de », à la vision de Day Out of Days, le nouveau film de la cadette du couple mythique jadis formé par John Cassavetes et Gena Rowlands. Soit le récit de la douloureuse quête de sens d’une actrice, Mia, fraîche quadragénaire à la gloire déjà fanée, et à l’amour-passion carambolé dans les plis et le poids des années partagées. Qu’elle enchaîne, non sans humiliation, les auditions aux enjeux dérisoires et les rencards foireux, ou butte sur l’hypocrisie d’une industrie au jeunisme effréné, tout semble vouloir lui signifier l’inanité de son pathétique besoin d’exister dans le regard des autres. Encore faut-il être capable d’accepter de ne plus être, mais d’avoir été… Parfois un peu outrée dans sa représentation d’un certain milieu angeleno, cette énième variation sur l’envers du rêve hollywoodien se double fort heureusement d’un beau portrait de femme au spleen contagieux, idéalement incarnée par une Alexia Landeau à la désarmante authenticité.

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Désarmante, et bien plus encore, Sarah Silverman l’est assurément en épouse et mère écrasée par une vie de contraintes et de déplaisir dans I Smile Back, adapté du roman éponyme d’Amy Koppelman. Quatre ans après son rôle d’alcoolique plus ou moins repentie dans l’inépuisable Take This Waltz de Sarah Polley, elle y confirme en effet, et de quelle formidable façon, qu’elle est bien plus qu’une simple humoriste, hilarante au demeurant. Singulièrement cash et trash dans sa manière d’aborder le quotidien de cette femme au foyer qui carbure à la vodka, à la coke et aux médocs, à l’adultère et à la masturbation tristoune sur teddy bear au pied du lit de sa jeune fille, rongée qu’elle est par le mensonge, les compromissions, et cette incapacité chronique au bonheur simple d’une existence largement engagée sur les rails normatifs du simulacre pavillonnaire, le film prend la forme d’une vibrante, mais aussi super dark, descente aux enfers, plongeant son héroïne dans un océan de désespérance. Et épingle au passage ce qui semble déjà devoir s’imposer comme la grande préoccupation de cette Compétition deauvillaise (voir aussi le percutant 99 Homes de Ramin Bahrani, présenté samedi): le déclin moral de l’empire américain.

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