Festival de Deauville (1): Le dernier monde cannibale

The Green Inferno d'Eli Roth © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Double ration d’Eli Roth, le réalisateur de Cabin Fever et Hostel, ce week-end à Deauville avec les premières du joyeusement kinky Knock Knock et surtout de The Green Inferno, inspiré du Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato. Verdict.

Quentin Tarantino a dit un jour de lui qu’il était le sauveur du cinéma d’horreur. On n’ira certes pas jusque-là mais force est tout de même de reconnaître qu’avec Cabin Fever (2002), hommage appuyé à The Evil Dead ironisant gentiment sur les codes, puis Hostel (2005), qui envoie des backpackers US se faire torturer chez des semi-consanguins slovaques, Eli Roth n’en a pas moins sympathiquement tiré son épingle du jeu dans le moribond paysage horrifique du début des années 2000. Ce week-end, ce fan hardcore de cinéma d’exploitation singulièrement porté sur la nichonnade et les clichés déboulait fièrement à Deauville avec non pas un mais bien deux nouveaux films sous le bras.

Largement inspiré des films cannibales italiens de la fin des années 70 et du début des années 80, The Green Inferno suit un groupe d’étudiants idéalistes new-yorkais en Amazonie, où ils comptent bien enrayer la bonne marche d’un chantier dont les enjeux financiers font fort peu de cas du sort du poumon vert de la planète et de ses habitants, mais vont surtout tomber entre les mains d’une tribu particulièrement hostile qui décide d’en faire son dîner. Là où Cannibal Holocaust (1980) fustigeait le sensationnalisme de son temps en jouant de la frontière parfois ténue entre le vrai et le faux, The Green Inferno se paie la tronche de l’activisme bien-pensant et hyper connecté des jeunes occidentaux friqués d’aujourd’hui, davantage motivés par la perspective de se baiser les uns les autres ou de s’afficher façon duckface bêtifiant sur les réseaux sociaux que de véritablement pourfendre les injustices de leur époque. Un peu long à la détente, le film décolle enfin le temps d’une scène de boucherie épique façon séance de grande découpe chez l’ami Renmans -de quoi provoquer une belle poignée de départs précipités, mais aussi un évanouissement, en séance tardive samedi soir à Deauville. Sans jamais se départir pour autant de son esprit farceur -une scène de diarrhée, une autre de masturbation/strangulation, des cannibales défoncés à la beuh… On est loin de la poésie crépusculaire de Ruggero Deodato (et la sublime BO de Riz Ortolani), donc, mais l’ensemble, assez fun, fonctionne bien. Si Roth n’est toujours pas un grand cinéaste, il reste en effet cet habile faiseur qui connaît ses gammes sur le bout des doigts.

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Constat peu ou prou identique s’agissant de Knock Knock, « home invasion movie » rigolard filmé dans le confort d’une villa trendy dans la foulée du tournage « hustonien » de The Green Inferno. Modeste, le film prend la forme d’un conte moral où le fantasme absolu se transforme en cauchemar total. Soit le jeu cruel dont est bientôt victime Evan (Keanu Reeves), family man resté seul pour le week-end qui ouvre innocemment sa porte à deux affolantes tentatrices en chaleur. Une partie de jambes en l’air à peine consentie plus loin, et les deux créatures, ingérables, virent Gremlins d’intérieur, bien décidées à… cannibaliser l’illusion du bonheur domestique que ce mâle alpha monoexpressif s’échine à entretenir au quotidien. Amusante récréation, Knock Knock rappelle de loin, et sans l’ambition, aussi bien The Last House on the Left de feu Wes Craven que le Funny Games de Michael Haneke. En beaucoup plus pop, moins constipé. Très série B. Efficace, mais sans plus.

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