En 2016, le cinéma a pris la crise à bras-le-corps

Avec Moi, Daniel Blake, le jury cannois a sacré un appel à la résistance. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

De Ken Loach, Palme d’or à Cannes, appelant à la résistance, à Alain Guiraudie, invitant à Rester vertical, retour sur une année où le cinéma a souhaité traité la crise avec force.

 » Il faut rapporter l’espoir dans cette période de désespoir. Dire qu’un autre monde est possible et même nécessaire.  » Recevant une seconde Palme d’or pour Moi, Daniel Blake, dix ans après celle obtenue pour Le vent se lève, Ken Loach aura adopté des accents lyriques pour reformuler un engagement jamais démenti. Inscrit dans la réalité d’une Angleterre lacérée par l’ultralibéralisme, le film sonne comme un appel à la résistance en effet – et l’on peut considérer qu’en l’occurrence, le jury cannois a couronné aussi bien la cause que la manière.

Financière, sociale, morale… la crise n’en finit plus de nous encercler, et le vétéran britannique n’a pas été le seul à la prendre à bras-le-corps. Entamée sous le signe de la crise des subprimes aux Etats-Unis (The Big Short, d’Adam McKay, mais encore, un peu plus tard, 99 Homes, de Ramin Bahrani), l’année écoulée aura pris le pouls de la précarité sur tous les modes, présente en filigrane de La Fille inconnue des frères Dardenne, un film en forme d'(en)quête morale, comme du American Honey, d’Andrea Arnold, envoyant sur les routes du Midwest des jeunes oubliés du rêve américain. Le néolibéralisme et ses ravages offrent sa toile de fond au Toni Erdmann, de l’Allemande Maren Ade ; la rapacité immobilière donne la sienne à Aquarius, du Brésilien Kleber Mendonça Filho ; le spectre de la banqueroute noircit l’horizon de Comancheria, néo-western crépusculaire de David Mackenzie. La crise des réfugiés déchaîne le cri de colère de Gianfranco Rosi (Fuocoammare) ; la faillite des machines médiatique et financière inspire une satire féroce à Jodie Foster (Money Monster). Et l’on pourrait citer, encore, la crise politique sous-tendant King of the Belgians, de Peter Brosens et Jessica Woodworth ; celle, morale, se déclinant de Spotlight, de Tom McCarthy, en Snowden, d’Oliver Stone ; voire, aussi, écologique embrasant Deepwater, de Peter Berg, comme elle infuse Demain, le documentaire de Cyril Dion et Mélanie Laurent. Jusqu’au Saint Amour, de Gustave Kervern et Benoît Delépine qui, sous les dehors potaches d’un road-movie passablement arrosé, arpente une France rurale généralement oubliée et pas ménagée pour autant par les crises à répétition ; celle-là même que croque, sur arrière-plan de désagrégation du lien social, Alain Guiraudie dans Rester vertical, un film au titre valant profession de foi…

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