Critique | Livres

Eleanor Catton, roman feuilleton

Eleanor Catton © Robert Catto / robertcatto.com
Ysaline Parisis
Ysaline Parisis Journaliste livres

Parmi les 549 nouveautés de la rentrée d’hiver, la Néo-zélandaise Eleanor Catton risque bien de faire le poids avec Les Luminaires, époustouflant mystery novel sous influence australe qui replace le romanesque au centre de l’écriture.

27 janvier 1866, Nouvelle-Zélande. Nous sommes en pleine ruée vers l’or, et le rideau s’ouvre sur douze hommes en colère et redingotes, réunis en assemblée secrète dans le fumoir d’un hôtel douteux d’Hokitika, petite ville de la côte Ouest de l’île Sud. Inexplicable disparition d’un riche chercheur d’or, tentative de suicide d’une prostituée, trafic d’or et d’opium, visions étranges, séances de spiritisme: la petite ville de pionniers fourmille de crimes et mystères irrésolus, et l’assemblée des notables (il y a là un journaliste, un banquier, un notaire, un patron de bordel, un gardien de prison…) est déterminée à y mettre de l’ordre, donnant le coup d’envoi d’une suite d’extrapolations et de récits dans le récit qui font peu à peu la matière en expansion des Luminaires. Huis clos au décor relativement dépouillé, fait d’une succession de tableaux suivant les rencontres et secrets de ses acteurs, le roman met en place une intrigue policière flirtant avec le surnaturel (Poe ou Maupassant ne sont pas loin) avant de mettre au jour une grande et belle histoire d’amour contrariée.

Eleanor Catton, roman feuilleton

Si Eleanor Catton reprend à son compte les codes du roman-feuilleton du XIXe (bref résumé en italique du contenu des chapitres en ouverture de chacun d’eux, interventions d’un « nous » omniscient qui corrige, réécrit et censure la narration en cours, twists captivants), elle les soumet cependant à un protocole inédit: les personnages y sont tous l’archétype d’un signe astrologique ou d’une planète, leur trajectoire épousant le mouvement des astres de l’époque (redessiné en ouverture de chacune des douze parties du livre). Une contrainte inouïe qui ne sacrifie en rien au bonheur de lecture: on plonge dans les quasi mille pages des Luminaires comme dans un grand roman à énigme au souffle addictif et mystérieux parce qu’indatable, à l’improbable rencontre entre le grand Wilkie Collins et Twin Peaks. Les pieds dans la boue, la tête dans les étoiles.

  • DE ELEANOR CATTON, ÉDITIONS BUCHET CHASTEL, TRADUIT DE L’ANGLAIS (NOUVELLE-ZÉLANDE) PAR ERIKA ABRAMS, 992 PAGES.
  • Dans le Focus du 2 janvier, l’interview d’Eleanor Catton.

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