Eaux profondes

Sur son premier album, la DJ-productrice déroule une musique électronique intime et chaleureuse, faisant du bien à la fois à la tête et au corps.

Il est des coups de blues qui sont parfois des coups de maître. Éclairé par une douce lumière automnale, Feminista est de ceux-là. Un petit miracle de disque aux tons pastels: impossible de ne pas s’y attacher instantanément. Joliment cabossé, il est ce genre d’album couleur menthe à l’eau, ronronnant sans jamais ronchonner, où la musique électronique semble directement branchée sur les flottements intérieurs de son autrice.

Avec son premier album, Tomu DJ réussit en effet à exposer sa dérive mélancolique et ses humeurs chamallow. On ne sait pas forcément grand-chose de la jeune DJ-productrice, basée en Californie. Ces derniers mois, elle a bien enchaîné les sorties, via SoundCloud et Bandcamp. Mais, davantage adressés à la piste de danse, biberonnés à la techno-house, des EP comme Second Dose ou Trans Woman Techno, ne dévoilaient que peu d’indices sur la palette déployée sur Feminista.

Eaux profondes

Sensibilité r’n’b

C’est qu’entre-temps un événement est venu bousculer la musicienne. Un accident de la route en l’occurrence: un pneu qui éclate, au milieu de l’autoroute, et sa voiture qui est emportée dans une série de tonneaux. Rien de grave au final -Tomu DJ s’en sortira plus ou moins indemne. Mais l’expérience restera traumatisante. Pendant plusieurs mois, la musicienne traversera des épisodes de dépression comme elle  » n’en a jamais connu« . D’où, sans doute, un album, non pas déprimé, mais comme plongé dans une sorte de coton -celui qui suit le choc. Plus tôt cette année, l’EP intitulé Mental avait suggéré que Tomu DJ s’adressait au moins autant au corps qu’à la tête. Avec Feminista, cette fragilité annoncée illumine une musique électronique éminemment sentimentale, à la fois instantanée et étrange – » ma musique s’adresse à tous ceux qui se sentent décalés parce qu’ils sont trop fous« , écrivait récemment la productrice sur son compte Twitter. Privé de beat, un titre comme Schizoaffective, par exemple, se roule langoureusement dans des nappes ambient, tandis que Dula Peep ou Rock69 paressent au soleil, comme aux plus belles heures de la musique balearic. Au départ, Tomu DJ a longtemps été rattachée au mouvement footwork -danse et genre au BPM frénétique (160 minimum) et au son souvent très brut-, fascinée par la scène de Chicago et un collectif comme Teklife. Il en reste des traces tout le long de Feminista. Mais même quand le groove se fait plus insistant -le breakbeat de Pretty Stuff, le rythme reggaeton de Confundida-, Tomu DJ reste fidèle à sa ligne sépia, gardant toujours à l’oeil ce qu’elle avoue être l’une de ses principales inspirations: le r’n’b’ des années 90, de Xscape à Janet Jackson. Ce mélange est bien résumé par What’s Next? En clôture d’un album doux-amer, il est à la fois une interrogation, mais aussi, grâce à son crescendo de synthés bourdonnants, la conviction d’un futur plus lumineux…

Tomu DJ

« Feminista »

Distr. Side Chick

7

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