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© © ALEX MORRISON
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LE CANADIEN ALEX MORRISON SIGNE UNE EXPO DÉCONCERTANTE QUI FAIT FEU DE TOUT BOIS. DE LA SKATEBOARD CULTURE AU STYLE TUDOR, UN VRAI LABYRINTHE FORMEL.

Dun Roamin

ALEX MORRISON, LEVY.DELVAL, 9 RUE FOURMOIS, À 1050 BRUXELLES. JUSQU’AU 11/03.

C’est le solo show qui trouble de ce début d’année. On en sort sans réellement s’être fait une idée, perdu parmi les multiples chemins qui se sont offerts à nous le temps d’une exposition en cours de montage. Pourtant, au fil des heures qui suivent, des lignes et des images reviennent hanter le visiteur, à la manière d’une piqûre de moustique sur la rétine. Et puis, cette impression diffuse mais bien réelle d’avoir contacté le beau sous une forme aussi inhabituelle qu’érudite. Pour étayer le propos de son accrochage, Alex Morrison parle géographie. Ce plasticien est originaire de Victoria, capitale provinciale de la Colombie-Britannique située à la pointe sud de l’île de Vancouver. Avant que ne s’y établissent les Britanniques en 1843, provoquant une rupture définitive, cette terre appartenait aux peuples amérindiens. Initialement marécage planté d’arbres, ce coin de terre a été propulsé dans l’Histoire. Afin de le rendre habitable, les colons y ont importé de Grande-Bretagne tout ce qui pouvait faire l’affaire. Une confrontation en est née: l’idée de s’écrire un nouveau destin sur une page blanche versus un univers formel connoté jusqu’à la moelle. L’implantation artificielle d’une culture coupée de ses racines est à n’en pas douter une forme de kitsch avéré. « Disneyland« , comme le commente l’intéressé. Tout cela fascine au plus haut point. Comment les grandes idées s’incarnent-elles? Comment s’écrit la culture? Comment se l’approprie-t-on alors qu’elle n’a aucun sens dans la position qu’on occupe? Pourquoi un background sans légitimité s’inscrit en nous comme s’il était là de toute éternité? Dun Roamin fait place à toutes ces questions à la façon d’un grand écart opéré par-delà l’Atlantique.

Kaléidoscope

Dans la galerie étirée en longueur, Alex Morrison décline des éléments de style et cite à tout-va. On prend d’abord la mesure de l’aisance du Canadien avec… un crayon. Il signe un dessin d’une vue extérieure du fameux Pavillon de Verre conçu par l’architecte Bruno Taut à l’occasion du Deutscher Werkbund à Cologne (1914). Le crayonné côtoie le minutieux croquis d’une chaise de William Morris, figure de proue du mouvement Arts & Crafts. Entre les deux, on pointe cette idée d’utopie, ce besoin de dessiner un nouvel habitat pour l’homme moderne. Bien sûr, Morrison n’éprouve aucune fascination pour le progrès en tant que tel, ce qui l’intéresse c’est la manière dont l’amélioration de la condition humaine se matérialise, prend littéralement forme. Plus loin, il emprunte une toute autre grammaire. Sur papier, une composition aux couleurs acides figure trois personnages médiévaux sillonnant une forêt de champignons que l’on devine hallucinogènes. Naïve, l’oeuvre très comics underground évoque l’iconographie de Dave Trampier, artiste culte pour avoir livré les illustrations des premières éditions de Donjons et Dragons. On y retrouve en filigrane cette idée d’utopie, de paradis artificiel axé portes de la perception, tel qu’il a pu se développer dans les années 70. L’ordinateur occupe une place importante dans le processus de création de Morrison, il dessine en 3D des structures de bois qu’il fait fabriquer en atelier. Celles-ci résultent d’un mélange d’influences architecturales variées. Il utilise également ces motifs pour les intégrer dans des images d’intérieurs fictifs, que l’on dirait photographiés, conçus eux aussi à partir d’un logiciel.

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MICHEL VERLINDEN

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