Gad Elmaleh délaisse le rire pour les larmes en plongeant dans la Seconde Guerre mondiale à travers l’épisode douloureux du Vel’ d’hiv.

Paris. Déjeuner de presse. Le restaurant du Ritz. Tandis que Mélanie Laurent s’emballe, sympa mais énervée à l’idée de défendre un film aussi grave que La Rafle devant de la bouffe, au son des bruits de couverts, Gad Elmaleh gère la promo du deuxième long métrage de Rose Bosch comme un pro. Sans faux-fuyant.

Que saviez-vous de cette rafle avant de lire le scénario?

J’en connaissais vaguement le contexte. Je ne savais pas ce que voulait dire Vel’ d’hiv et j’ai su très tard que des Français avaient sauvé des Juifs à Paris. Il ne s’agit pas d’un film manichéen qui montre la barbarie nazie. Une barbarie qu’on connaît mais qu’il faut continuer à raconter. Il montre aussi des gens qui sauvent des vies.

Il paraît que vous avez fait quelques concessions sur le plan financier pour participer à ce projet?

Quoi, vous voulez savoir s’il s’agissait d’un gros gros effort? On n’avait jamais été aussi peu payé et on n’avait en même temps jamais participé à un aussi grand film. D’ailleurs, s’il y a une relation de cause à effet, je pense que je vais me mettre à baisser mes cachets… (rires) Je ne vois pas La Rafle comme un devoir. Déjà, un devoir, on n’a pas trop envie de s’y soumettre. Pour moi, ce film représente un engagement humain, un véritable enjeu. Puis l’occasion d’explorer un registre dans lequel on n’a pas l’habitude de me voir. Quand j’ai lu le scénario, j’étais en larmes. La Rafle n’est pas un pamphlet ni une critique historique ou une £uvre culpabilisante. Que se passerait-il aujourd’hui? J’ai déjà essayé d’imaginer ce que j’aurais fait dans pareilles circonstances. Personnellement, je rêve que tout le monde sauve tout le monde. Je suis un idéaliste.

Vous parlez de solidarité mais vous vous opposez à ce qu’on augmente l’impôt sur les grosses fortunes…

Si vous comparez le génocide du peuple juif à nos devoirs fiscaux, ça vous appartient. Mais pour être franc, ça m’embête de donner à l’Etat la moitié de ce que je gagne. Enfin, je pense qu’il faut qu’on donne la moitié. Mais pas plus. (Puis, partant en live, ndlr:) Vous n’avez pas été déplaisant ni désagréable. La maîtresse aurait écrit dans la marge: « hors sujet ». Elle vous aurait peut-être même donné une punition.

Pourquoi avoir accepté de jouer dans un drame?

Souvent, des metteurs en scène se dirigent vers des acteurs de comédie avec la fausse bonne idée de les faire tourner dans des tragédies. Ils s’imaginent avoir inventé quelque chose. Je pense surtout qu’ils cherchent à monter plus facilement leurs films. Qu’on le veuille ou non, aujourd’hui, la popularité va de pair avec le rire. Après, certains acteurs de comédie cherchent de nouvelles expériences. Des excursions. Comme José Garcia à un moment donné de sa carrière. Avec La Rafle, ce n’est pas du tout ce qui est arrivé. Roselyne ne voulait pas m’offrir un contre-emploi. Elle tenait juste à ce que je joue dans son film. Et moi, je ne cherchais pas à décrocher la carte de l’acteur sérieux. Je revendique mon statut d’acteur comique. J’en suis fier.

Est-ce que vous comptez montrer ce film à votre fils?

Bien sûr. D’ailleurs, il veut venir à l’avant-première. Il sait que c’est la classe. Qu’il y aura de belles voitures. Qu’on sera tous bien habillés. Après, il me posera des questions, j’en suis sûr. Et c’est tant mieux. Des vraies questions profondes comme tous les enfants. Pas des questions faussées par ce qu’il a lu le matin dans les journaux. Il est beaucoup plus facile de partir dans une rhétorique avec des éléments historiques que de répondre sincèrement à un enfant. Pourquoi les Allemands? Pourquoi aux Juifs? Ça devient de la philosophie profonde. Je suis un père pas très présent mais quand présent… très très présent. Portable éteint. Jouer au foot. Câlins. DVD. Avatar avec les lunettes. Eurodisney. Feu d’artifices dans l’appartement. Voisine crier.

Vous jouez un petit rôle de méchant dans le Tintin de Spielberg. Il va ressembler à quoi?

Je n’en ai aucune idée parce que le film est en 3D. Tourné avec le même procédé qu’ Avatar. J’avais des capteurs partout. Je n’ai rien compris. Je ne vais pas vous mentir parce que vous êtes belges. Tintin ne représente pas grand-chose à mes yeux. Ce n’est pas ma culture. Par contre, j’étais vraiment emballé, enthousiaste, heureux à l’idée de bosser avec Spielberg. Jamie Bell – vous vous souvenez de Billy Elliot? – joue le rôle de Tintin et Daniel Craig incarne Rackham le rouge. A un moment, je me suis dit merde. Ils ne parlent pas de Milou. Ils déconnent. Alors, je lui ai demandé moi à Spielberg. Il m’a répondu:  » There’s Milou. His name is Snowy. »

Qu’est-ce qui vous attend maintenant?

Le Palais des Sports de Paris avec la moitié de mon nouveau spectacle et la moitié de l’ancien. Je ne sais pas trop de quoi parleront mes nouveaux sketches. On a toujours envie de dire des choses passionnantes. Un jour, j’aimerais avoir la possibilité de savoir tellement de choses que je ne parle plus. C’est quand on ne sait pas qu’on parle. Quand on sait, on se tait. Les gens les plus intéressants, ils la ferment. Le Dalaï-Lama par exemple, il dit pas grand-chose.

Rencontre Julien Broquet

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