Depuis 33 ans, Jean-Pierre Delabelle vend du single et de l’album, exclusivement en vinyle et en occasion. Selon le pressage et l’origine, 45 et 33 Tours s’envolent vers des prix parfois astronomiques, comme certaines ultra raretés des Beatles.

« Comme objets, je n’ai pas grand-chose. » Jean-Pierre Delabelle, 57 ans, propriétaire du magasin Juke-Box au centre de Bruxelles, en oublierait la chose qui prend la poussière à gauche du comptoir. Il s’agit d’un Picture Disc (1) de Genesis avec deux aiguilles en plastique blanc et un mécanisme d’horlogerie. C’est moche et cela vaut 23 euros. Pour Delabelle, l’intérêt n’est pas là mais dans la simplicité et la rareté d’un pressage divinement introuvable. L’amassage commence alors que JP est DJ dans une boîte d’Ostende en 1970 où il passe  » principalement du Northern soul et du pop-corn ». Au mitan des seventies, approvisionné entre autres par un  » magasinier de l’ORTF qui vient revendre les disques qu’il fauche », il commence à constituer un trésor de guerre estimé aujourd’hui à 300-400 mille vinyles, 45 et 33 Tours.  » A l’époque, ce sont les années 60 qui sont recherchées, les Yardbirds, le premier Bowie sur Philips, les premiers 45 T de Pink Floyd ou le premier 25 cm (2) des Beatles sur Polydor France qui vaut 5 à 10 000 FB. Aujourd’hui, le 33 T de The Action, groupe anglais 60’s, vaut 2 500 euros…  » Delabelle a ouvert bistrots (punks) et magasins, ou vend directement à des spécialistes en connection avec des amateurs fortunés.  » Le punk n’a eu de valeur que plus tard, dans les années 90: longtemps, le pressage belge/Sabam d’Anarchy In the UK n’a valu que 75 FB, il en vaut aujourd’hui 500 euros. Mais la règle est infaillible, il faut que le disque soit impeccable. Dans les années 80, la mentalité change et on commence à collectionner non plus pour la musique, mais pour les pochettes, les pressages, cela devient vraiment du business. » Aux objets rares, s’ajoutent les groupes inconnus qui deviennent culte. Les Belges n’échappent pas à la flambée des prix. Le Ball Of Eyes de Placebo (l’ex-groupe fusion de Marc Moulin) sorti en 1971 peut grimper aujourd’hui jusqu’à 700 euros. Et le Pigz (groupe punk anversois) en vynile rose cote à 400 euros.  » Les collectionneurs aiment aussi les projets musicaux inconnus, inédits, rares », précise Jean-Pierre en présentant un album de 1971, The Free Pop Electronic Concept (sic). C’est belge et l’£uvre de 2 frères r’n’blues d’origine portugaise, qui ont connu le succès fin des sixties, Jesse & James:  » En son temps, ce disque de rock psychédélique a été un échec complet, là, je le vends à 150 euros. » Les amateurs se recrutent également chez les DJ ou musiciens à la recherche de matière à sampler, Dimitri de Paris est, par exemple, l’un des visiteurs réguliers de la boutique. Et le Graal de l’occasion alors? Hormis des EP des Rolling Stones de 1964 – pressage belge – vendus à 280 euros (…), ce sont les Beatles qui tiennent le haut du pavé. Jean-Pierre se souvient avoir trouvé un acétate des Fab Four planqué dans une autre pochette et en avoir tiré 3500 euros, mais la palme d’or revient aux Beatles export anglais, des  » pressages bizarres » selon Jean-Pierre qui n’en a jamais vu passer qu’un seul en 3 larges décennies d’exploration vinylique.  » Cela vaut 10 000 euros et la vague actuelle de redécouverte du groupe fait repartir les prix… »

(1) vinyle agrémenté à même le pressage d’une illustration, généralement une photo du groupe…

(2) mini 33 Tours.

3e Foire aux disques vinyls, le 06/09, galerie Ravenstein, à Bruxelles.

Texte Philippe Cornet

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