Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

A Guitar Hero – Alors que l’on fête le centenaire de sa naissance, sort un coffret qui réunit la majeure partie de l’ouvre de Django Reinhardt, génial inventeur du jazz manouche.

« Manoir de ses rêves »

Le Chant du monde 574 1826.50 ( Harmonia Mundi)

Il est né officiellement le 23 janvier 1910, à Liverchies dans le Brabant Wallon, sous le nom de Jean-Baptiste Reinhardt. Django sera son prénom gitan – le seul qui compte pour la communauté. Son séjour en Belgique (où il ne cessera de venir produire plus tard) sera bref. La caravane familiale rejoint bientôt Paris. C’est sous l’influence de son père musicien que Django commence à jouer du banjo, de la guitare et du violon. Sa carrière professionnelle débute en 1926. Il ne sait ni lire ni écrire et ne connaît pas une note de musique. Ce qu’il joue, il le fait d’oreille, aidé par une mémoire musicale phénoménale. Insouciant, il disparaît des jours entiers pour courir les filles et jouer tout l’argent qu’il a en poche. Son talent est déjà reconnu lorsqu’il est gravement brûlé dans l’incendie de sa caravane en 1928, à la suite duquel il ne pourra plus utiliser que l’index et le majeur de sa main gauche. Le jazz le passionne. Mais il ne commence réellement à s’y adonner que lors d’un séjour à Toulon. Le contrebassiste Vola monte une formation avec Joseph Reinhardt, le frère de Django, à la seconde guitare pour le mettre en valeur. Il accompagne Jean Sablon, « crooner » français, et joue avec le saxophoniste André Ekyan avant de faire la connaissance de Stéphane Grappelli, violoniste avec lequel il va créer ce qui deviendra le Quintet du Hot Club de France – une formation révolutionnaire pour  » un jazz sans tambour ni trompette » (Grappelli). Composé de 3 guitares, d’une contrebasse et d’un violon, le quintet ne possède alors aucun équivalent dans le monde. Sa sonorité, son swing irrésistible qui ne doit rien à la pulsion d’une batterie, est du jamais entendu.

Manoir de ses rêves

C’est avec les titres enregistrés par le Quintet en 1934 et 35 que commence le coffret. Il se termine en 1953 pour un total de 20 CD plus 5 autres où il est le sideman vedette de différents orchestres et d’un dernier qui contient différents titres enregistrés live – le tout augmenté d’un livret de 118 pages. Sa plus grande gloire, c’est sous l’occupation qu’il la connaîtra alors que le quintet avec Grappelli n’existe plus. Les jeunes (et les autres) s’arrachent ses disques dans cette période noire où il se produit en France et en Belgique ( Nuages, sa composition la plus connue, date de cette époque). L’occupant le tolère à cause de son talent qui a des admirateurs jusque dans ses rangs. Mais lorsqu’on lui demande de se rendre en Allemagne, Django tente de fuir en Suisse, un épisode qui aurait pu lui coûter cher s’il n’avait été protégé par un officier de la Wehrmacht.

La libération le voit renouer à Londres avec Grappelli et se rendre à New York à l’invitation d’Ellington. Mais l’aventure américaine ne sera qu’une demi-réussite, la faute à la désinvolture de Django et à sa difficile adaptation à la guitare électrique. Il y séjournera pourtant 4 mois. Le be-bop l’intéresse et le déconcerte à la fois, style qui le relègue au second plan chez les amateurs de jazz en France. Il commence à peindre et retourne vivre en roulotte tout en cherchant à apprivoiser cette nouvelle forme de jazz. Ce n’est qu’en 1951 qu’il trouve les musiciens capables de le suivre dans une aventure qui va, malheureusement, prendre fin avec sa mort prématurée 2 ans plus tard, victime d’une congestion cérébrale. Jean-Baptiste est mort. Mais Django est éternel, comme le rappelle opportunément ce coffret 5 étoiles.

Philippe Elhem

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