Des secrets derrière la porte

Monsters, Inc. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Au cinéma, les portes font beaucoup plus que s’ouvrir et se fermer. Leur poids dramatique est parfois même fascinant!

Objets trouvés: chaque semaine, l’histoire du cinéma vue à partir d’un objet qui lui colle à la toile.

Le théâtre fut initialement le domaine des portes. Les pièces dites « de boulevard », le vaudeville, les comédies lestes et burlesques d’un Georges Feydeau, d’un Eugène Labiche, en firent par exemple un usage permanent. Voici quelques années, à Bruxelles, le Théâtre le Public offrit une production d’Un fil à la patte de Feydeau proprement endiablée, avec un décor tournant où les portes s’ouvraient et se fermaient sans cesse dans un balai frénétique. Le cinéma, tout en s’inspirant (parfois trop) du théâtre, aima vite pratiquer l’ellipse, et les ouvertures/ fermetures de portes devinrent une variable d’ajustement pour une narration se voulant plus fluide, plus rapide. À charge pour certains cinéastes, certains genres aussi, de rendre aux portes un rôle justifié, voire inventif. Car qui dit porte fermée dit espace off. On titille l’imagination de manière positive ou inquiétante quant à savoir ce qui en surgira quand on l’aura ouverte… Logiquement, le cinéma fantastique et d’horreur -le thriller aussi bien sûr- a très souvent usé des portes comme de barrières retenant une menace (un monstre, un tueur, voire le diable dans les nombreuses évocations de la Porte de l’Enfer), ou inversement de promesse d’ouverture vers un ailleurs magique, comme spectaculairement avec la porte de la garde-robe du Monde de Narnia, et de manière sublime dans Le Magicien d’Oz quand Dorothy (Judy Garland) passe du noir et blanc à la couleur en ouvrant la porte de la ferme familiale transportée par une tempête du Kansas dans le monde fabuleux d’Oz…

One Hour with You (1932)
One Hour with You (1932)© DR

Des techniques ont été inventées pour qu’une caméra puisse donner l’illusion de passer une porte sans devoir l’ouvrir. Mel Brooks s’en est amusé dans High Anxiety (1977), parodie hitchcockienne où une caméra subjective avance vers une porte et, au lieu de la traverser, s’y heurte et la défonce dans un grand fracas! Un peu d’ironie et d’inventivité là où les films se reportent le plus souvent sur le talent d’un décorateur pour juste donner un cachet à des portes. Ainsi de celle, d’un beau rouge, du repaire des Ghostbusters (1984), ou celle, toute bleue, de la maison de Hugh Grant dans Notting Hill (1999). Plus intéressantes étant les portes coulissantes du métro londonien de Sliding Doors (1998), dont le franchissement peut changer le cours de la vie de Gwyneth Paltrow.

Mais s’il fallait retenir un maître en la matière, ce serait évidemment le génial Ernst Lubitsch, dont les comédies enchantent encore des décennies après sa mort en 1947. Mary Pickford, la star du « muet » qui l’avait fait venir d’Allemagne à Hollywood en 1923, déclara plus tard, frustrée, qu’il était « un metteur en scène de portes, pas de gens« . Injuste car Ernst était bon directeur d’acteurs. Mais pertinent face au travail créatif intense du cinéaste avec les portes dans son cinéma! De The Love Parade (1929) à The Shop Around the Corner (1940) en passant par One Hour with You (1932) et Ninotchka (1939), c’est un vrai festival d’entrées et de sorties, avec derrière les portes, souvent, une forte pincée d’érotisme dérobé au regard… et à la censure.

Trouble in Paradise (1932)

On pourrait écrire un livre sur les portes dans les films d’Ernst Lubitsch (voir notre article principal). Dans cette comédie superbe où des voleurs rivaux tombent amoureux, la plus éloquente d’entre elles se referme et une main accroche une pancarte « Ne pas déranger« . L’espace « off » sera « hot », comme souvent chez ce coquin d’Ernst!

Des secrets derrière la porte

Monsters, Inc. (2002)

Les portes jouent un rôle majeur dans ce Monstres & Cie si craquant de Pixar. Celles des placards de chambres d’enfants d’où surgissent des créatures ayant pour mission d’effrayer les marmots. Des portes magiques dont l’entrée se situe dans les installations de la société donnant son nom au film…

Des secrets derrière la porte

The Searchers (1956)

Dans le plus beau western jamais réalisé, chef-d’oeuvre signé John Ford, la porte de la maison familiale tenue dans l’obscurité s’ouvre pour accueillir -dans un soleil éclatant- la haute silhouette de John Wayne, revenu au bercail. La même se referme à la fin (même cadrage, même lumière) pour son dernier départ. Sublime et bouleversant!

Des secrets derrière la porte

Les Convoyeurs attendent (1999)

Dans cette comédie joliment décalée de Benoît Mariage avec Benoît Poelvoorde, le jeune réalisateur belge imagine un défi et un record surréalistes. Il s’agit d’ouvrir -et de fermer- 40.000 fois en 24 heures une porte montée sur une estrade façon ring de boxe.

Des secrets derrière la porte

The Lord of the Rings / The Hobbit (2001-2014)

Les Portes de Durin, passage secret creusé dans les Murs de la Moria, inspirent le respect. Mais on retient surtout celle, ronde et verte, de la demeure du bon Bilbo. On la retrouvera plus loin dans la trilogie du Seigneur des Anneaux, mais aussi dans celle du Hobbit, également adaptée de Tolkien par Peter Jackson.

Des secrets derrière la porte

The Shining (1980)

Jack Nicholson, en pleine démence meurtrière, s’attaque avec une hache à la porte de l’appartement puis de la salle de bains où se sont réfugiés Shelley Duvall et le petit Danny Lloyd. Signée Stanley Kubrick, une des scènes les plus terrifiantes de l’Histoire du cinéma!

Des secrets derrière la porte

Titanic (1999)

C’est sur une porte flottant sur l’eau glacée que les amoureux du film de James Cameron trouvent refuge après le naufrage du fameux paquebot. Leonardo glissera vers la mort, Kate survivra. Séquence émotion…

Des secrets derrière la porte

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