Critique | Musique

Depeche Mode, au Sportpaleis : Trompe-la-mort

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Martin Gore et Dave Gahan, du groupe Depeche Mode, ont enflammé le Sportpaleis samedi soir.
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Concert - Depeche Mode

Date - 20-05-2023

Salle - Sportpaleis, Anvers

Critique - L.H.

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Pour leur première tournée sans Andy Fletcher, Dave Gahan et Martin Gore prouvent que Depeche Mode n’est pas obligé de se réfugier derrière ses tubes pour rester vivant. Compte-rendu de leur concert anversois.

Il n’a pas fallu très longtemps pour que la date belge de la tournée mondiale de Depeche Mode affiche complet. Le groupe anglais, mené par Dave Gahan et Martin Gore, peut être rassuré sur sa popularité. S’il le fallait encore vraiment… Mieux : lancé en préambule de leur nouvel album Memento Mori, le single Ghosts Again, a réussi à devenir ce qui se rapproche le plus d’un tube. Un de plus, ajouté à une collection impressionnante.

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Samedi soir, au Sportpaleis d’Anvers, le concert démarre avec My Cosmos Is Mine et Wagging Tongue. Soit les deux morceaux qui ouvrent précisément Memento Mori, sorti en mars dernier. Dans un salle au son parfois ingrat, ils frappent directement juste et fort, donnant à chaque fois l’impression d’une vaisseau interstellaire au décollage. Juste derrière, Walking In My Shoes fête ses trente ans, sans rien avoir perdu de son lyrisme venimeux. Il est une première pioche dans le passé de Depeche Mode. En l’occurrence, le passé plus éloigné : la setlist du soir laissera complètement tomber les albums les plus récents, Spirit (2017) et Delta Machine (2013). Des disques, qui, il est vrai, n’ont pas autant marqué les esprits que les classiques des années 80 et 90…

Black celebration

Malgré cela, Depeche Mode ne donne toujours pas l’image d’un groupe vintage. Il y a bien sûr de la nostalgie. Inattendue, elle frappe violemment, en plein visage, quand déboule le monumental Stripped, millésimé 1986. Même constat avec Everything Counts, incontournable des lives de DM. A Anvers, l’hymne a beau diluer son ironie anti-capitaliste dans une ritournelle un peu trop guillerette, il continue de sonner étrangement juste. C’est d’ailleurs un peu le mystère du groupe. Après plus de 4 décennies de carrière, Depeche Mode n’apparaît toujours pas déclassé. S’il n’a forcément plus le même impact qu’à ses débuts, il ne donne toujours pas l’impression d’une formation en roue libre, se contentant d’entretenir sa glorieuse histoire, racrapotée sur son répertoire.

Seuls cinq des douze titres de Memento Mori sont pourtant exécutés ce soir-là. Ils sont forcément moins populaires. A côté de nous, le fan quinqua doit lancer shazam pour retrouver le titre de Speak To Me… Malgré cela, le dernier album donne le ton. Celui d’un concert aussi sombre qu’enlevé.

De Black Celebration à Violator, Depeche Mode a toujours cultivé une certaine noirceur. Avec Memento Mori, celle-ci a prend cependant encore une autre tournure. Pour rappel, l’album, et la tournée qui l’accompagne, sont les premiers sans Andy Fletcher, membre fondateur du groupe disparu l’an dernier, d’une rupture de l’aorte. Certes, son rôle dans la musique de Depeche Mode a souvent été questionné. « Techniquement » parlant, sur scène, il n’a pas même pas dû être remplacé. A quatre – Dave Gahan, Martin Gore, rejoints par Christian Eigner (batterie) et Peter Gordeno (claviers), présents depuis un moment -, Depeche Mode fait le job. Pour autant, si « Fletch » n’a jamais été le moteur, il a souvent mis de l’huile dans les rouages d’une formation au parcours chaotique.

Dans les yeux de Fletch

Son ombre est partout présente. Par exemple quand Martin Gore chante, magnifiquement, Soul With Me, seulement accompagné du piano. A la fin du morceau, il tourne le dos au public, et lève la main, comme s’il cherchait encore à toucher celle de son camarade. Sur World In My Eyes, le visage d’Andy Fletcher apparaît sur les écrans. Dave Gahan s’écarte alors du centre de la scène, pour laisser toute la place à celui qui restait d’habitude planqué derrière ses machines. Ou lui permettre de voir encore une fois ce qu’ils ont accompli ensemble – « Now let my body do the moving/And let my hands do the soothing/Let me show you the world in my eyes ».

Le concert ne tourne pas pour autant à la cérémonie morbide. Peu bavard sur scène, DM n’a pas besoin de dire grand-chose pour faire passer le message. Comme le prouve par exemple Ghosts Again, qui apparaît plus que jamais comme une fabuleuse chanson  de réparation. Un élan vital après la tempête.

Danse puisque c’est grave

Dave Gahan et Martin Gore ont dû faire face à la perte de leur ami. Mais aussi envisager simplement de manière plus aigüe, le temps qui passe. Désormais sexagénaires, et, dans le cas de Gahan, après avoir frôlé plus d’une fois la mort, ils la regardent en face. Pour mieux danser avec elle. La voix de Gahan a beau parfois avoir du mal à atteindre certaines notes, le frontman reste toujours une fabuleuse bête de scène. Et durant tout le concert, de se tortiller et tournoyer, comme s’il avait encore 20 ans. En rappel, Just Can’t Get Enough reste par exemple une indépassable rengaine pop new wave. Juste avant, Gahan et Gore avancent sur le devant de la scène. Ils y donnent une version dépouillée de Waiting For The Night. Avant de se prendre dans les bras, dans un moment de fraternité comme on en a rarement vu entre les deux.

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Juste avant, Enjoy The Silence conclut le corps principal du concert. Sur les écrans, des crânes tournoient sur lesquels a été écrit le mot : Enjoy. Comme une manière de rappeler que la vie est toujours trop courte, et qu’il ne faut pas attendre, pour en « profiter » ici et maintenant ? Ou, pour le dire en latin, memento mori

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