JEAN-PIERRE AMÉRIS EST HYPERÉMOTIF, MAIS IL SE SOIGNE EN NOUS OFFRANT UN DÉLICE DE COMÉDIE AVEC LES ÉMOTIFS ANONYMES, OÙ BENOÎT POELVOORDE ET ISABELLE CARRÉ NOUS FONT CRAQUER DE RIRE, ET BIEN SÛR D’ÉMOTION!

Il sait de quoi il parle. Et il en parle bien. Le réalisateur des Emotifs anonymes, une des 2 comédies réjouissantes de cette fin d’année (l’autre étant De vrais mensonges de Pierre Salvadori), partage avec ses personnages une émotivité à fleur de peau, parfois handicapante. C’est d’ailleurs son expérience personnelle qui l’a poussé à entreprendre ce film aussi tendre au fond que rigolo en surface…

L’association Les Emotifs Anonymes (1) existe donc réellement?

Oui, tout est authentique dans le film: la manière dont les gens se réunissent, se présentent, se racontent, à la manière des Alcooliques Anonymes. Le film a commencé par là, au début des années 2000, quand j’ai découvert les Emotifs Anonymes, que ça m’a intéressé… pour moi! Parce que je connais bien le sujet de l’hyperémotivité. C’est mon film le plus directement personnel. J’ai toujours eu ce « petit souci » de trac, comme j’appelle cela. Le fait de ne jamais être tranquille, dans une situation de rapports sociaux, même la plus quotidienne. Rencontrer des gens nouveaux, devoir passer un coup de téléphone, était pour moi une épreuve. Il m’arrivait souvent d’écrire ce que je devais dire… On a peur du vivant, en fait, peur de ce qu’on ne peut pas contrôler. Peur de ne pas être à la hauteur. Il y a 10 ans, je n’aurais pas pu faire ce film. Il a fallu, pour y arriver, que je parvienne à mettre ces choses un peu à distance…

Comment est née l’histoire des Emotifs anonymes?

De plein de notes que j’avais prises, au fil du temps. De choses que j’avais entendues dans les groupes de parole des E.A. De tous ces gens qui avaient à souffrir dans le travail, dans l’amour, de ce qu’on appelle la peur des autres, du regard des autres. De la réalisation qu’en fait, nous pouvons tous à un moment ou à un autre ressentir cela. Et aussi, peut-être surtout, du fait que dans ces groupes de parole, le rire tient une place importante. On se met dans des situations tellement abracadabrantes qu’on arrive à en rire! Ce qui reste, à coup sûr, la meilleure des thérapies.

On dit parfois que faire l’acteur est une bonne thérapie pour l’hyperémotivité. Devenir réalisateur aide-t-il également?

Si j’ai foncé vers le cinéma dès l’adolescence, c’était pour y trouver un abri. Dans les salles, tout d’abord, car là, on ne vous voit plus, vous pouvez vous projeter dans les histoires des autres. Et c’est devenu une telle passion que cela m’a donné de l’audace, l’audace de vouloir faire moi-même des films. Dans la réalisation, ce n’est pas comme dans la vie. Vous contrôlez vraiment les choses. On vous apporte ce que vous demandez. Vous voulez une voiture rouge, elle est rouge. Bien sûr il y a les acteurs, qui sont source d’imprévu, et heureusement! Mais dans le cadre d’un plateau de tournage, et dès mes premiers longs métrages, j’avais nettement moins de problème d’inhibitions, de mal-être. Ce n’est pas un hasard si tant de comédiens ont eu, eux-mêmes, des problèmes de timidité.

Bombes à retardement

Vos personnages ne sont pas précisément tristes, ni déprimés…

Ils ont en effet quelque chose de joyeux, un désir de vivre pleinement, d’aimer, de travailler. Mais en même temps il y a un verrou, quelque chose qui les retient. L’hyperémotif, c’est ça: quelqu’un qui a un fort désir, mais qui est retenu comme par un élastique. Ce sont des bombes à retardement, comme les burlesques.

A quel moment l’univers du chocolat, où se déroule l’action du film, a-t-il croisé celui de l’hyperémotivité?

C’est Philippe Blasband, avec qui j’ai écrit le scénario à Bruxelles, qui en a eu l’idée. De même qu’il m’a aidé à mettre de l’ordre, une structure, dans toutes ces idées que j’avais accumulées. Nous avions pris l’habitude de travailler dans un salon de thé où il a ses habitudes, et un jour il a eu cette idée:  » Et si cela se déroulait dans une chocolaterie? » C’est à partir de là qu’on a senti que le film décollait. Le chocolat étant un aliment tellement affectif, quelque chose qu’on offre, qui a un lien à l’enfance, et auquel on prête les vertus que l’on sait.

Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde forment dans votre film un couple mémorable, et bien différent de ce qu’ils faisaient dans Entre ses mains d’Anne Fontaine…

On a écrit les personnages spécialement pour eux. J’avais déjà travaillé avec Isabelle, sur Maman est folle, nous avons beaucoup parlé durant l’écriture du scénario, elle a beaucoup donné au personnage, comme le fait de chanter pour se donner du courage (quelque chose qu’elle fait volontiers elle-même). Il y a beaucoup d’elle dans le film. Isabelle est un peu mon alter ego. On est pareils, avec un côté bons élèves, toujours à l’heure… Benoît, j’ai eu envie de le filmer comme ça. On sait comme il peut être drôle, moins à quel point il peut être émouvant. Beaucoup de gens me disent que ce rôle est un beau contre-emploi pour lui. Mais en est-ce vraiment un? Je n’en suis pas sûr…

(1) HTTP://EMOTIFSANONYMES.CHEZ.COM/

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