Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

ENTRE THRILLER CRIMINEL ET MYSTÈRE PHILOSOPHIQUE, BASIL DA CUNHA FILME SUR LE FIL DU RASOIR. FASCINANT.

Après la nuit

DE BASIL DA CUNHA. AVEC PEDRO FERREIRA, JOAO VEIGA, NELSON DA CRUZ, DUARTE RODRIGUES. 1 H 35. SORTIE: 23/04.

7

Un quartier de Lisbonne, où vivent en nombre des habitants originaires du Cap-Vert (le Cabo Verde filmé jadis par Werner Herzog). C’est là qu’évolue Sombra, un jeune homme coiffé façon rasta et qui, tout juste sorti de prison, retombe vite dans l’enchevêtrement de trafics, de menaces et de violences qui agite la communauté. On lui doit de l’argent, qu’il ne parvient pas à récupérer. Il en doit, aussi, et ses créanciers se font de plus en plus pressants. A se demander s’il n’était pas mieux derrière les barreaux qu’en liberté « surveillée » au point de rendre l’air difficilement respirable… Sur fond de drogue et de gangs, de survie, de trahisons et de règlements de compte, Après la nuit s’avance sous les aspects d’un thriller brutal et s’achève en mode réflexion philosophique. Chemin faisant, le (premier) film de Basil Da Cunha, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du festival de Cannes, aura perdu quelques spectateurs désorientés… mais aussi gagné quelques autres séduits par une démarche personnelle, par endroits très fascinante.

In the ghetto

Basil Da Cunha est suisse, d’origine portugaise et auteur déjà de plusieurs courts métrages remarqués (Nuvem, Os vivos também choram). Du temps où il vivait à Lisbonne, il a habité dans le quartier pauvre et agité de Reboleira. C’est là qu’il a tourné Après la nuit, tirant un parti remarquable de sa géographie, des ruelles obscures aux terrasses ouvrant sur le ciel. Les lieux tiennent du bidonville et aussi du ghetto, fréquentés qu’ils sont par une majorité de Cap-verdiens. Si Da Cunha était accompagné d’un chef-opérateur (Patrick Tresch, qui fait un excellent boulot en clair-obscur façon film noir), la distribution du film est composée de non-professionnels. Et aucun d’entre eux n’a eu accès au scénario, histoire de préserver une spontanéité qu’augmenta aussi l’absence de toute répétition. Une stratégie payante, Après la nuit offrant une impression de réel qui donne au suspense et à l’engrenage fatal du (lent) thriller une dimension très proche, très humaine. Les nombreuses musiques du film sont par ailleurs toutes jouées par des habitants, pour un ancrage supplémentaire dans le réel d’un Reboleira devenu personnage à part entière du drame. Basil Da Cunha colorant son polar d’une dimension mythique, avec échanges d’idées sur la vie, le monde, un peu comme le grand Manoel de Oliveira sut le faire dans le cadre du film de guerre (coloniale) qu’est Non, ou la vaine gloire de commander

LOUIS DANVERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content