» La vidéo a été enregistrée sur VHS. On voulait que ça ressemble à un vieux film des années 80 que tu viens de retrouver au fin fond de ton armoire. Le faire sur de l’analogique lui donne une esthétique singulière que l’on ne peut pas obtenir avec un ordinateur rutilant. » Ce sont les vétérans big beat de The Prodigy qui commentent ici d’une seule voix leur dernier clip en date(1), celui de Take Me To The Hospital, toujours extrait d’ Invaders Must Die, cette galette faite pour des raves aux allures de vastes fêtes foraines teutonnes… Bien plus que la vidéo en elle-même – aussi insignifiante que gesticulatoire, soyons honnêtes -, c’est la démarche, loin d’être isolée, qui interpelle ici. A l’heure de la technologie triomphante, de la haute définition, de la prolifération d’images tellement parfaites qu’elles en deviennent irréelles, il est amusant, en effet, de constater que se multiplient pareils gestes de retour vers un grain, une texture, un cachet d’un autre temps, supposé révolu.

The Pastels(2) et Memory Tapes(3), pour n’en citer que deux, sacrifiaient ainsi tout récemment à la mode des vidéoclips tournés en Super 8, ce format de film lancé par Kodak dans les années 60 à destination des cinéastes amateurs et à l’origine d’une multitude de vieux home movies et autres films de vacances. Tandis que d’autres groupes n’ont pas manqué, au fil des ans, de se forger une solide identité à grand renfort d’esthétique vaporeuse et délicieusement surannée. Il suffit, par exemple, d’égrener sur YouTube les vidéos officielles des jeunes filles en fleur d’Au Revoir Simone(4), voire de leurs homologues californiennes de The Ian Fays(5), pour s’en convaincre.

Dignes successeurs, dans l’esthétique rétro et éthérée, de ces groupes de filles, voici que déboulent de nulle part les deux garçons de… Girls, formation san-franciscaine qui, en deux vidéoclips seulement – celui de Hellhole Ratrace et, surtout, celui de Lust for Life(6), sérieux prétendant dans la course au titre de single pop de l’année – impose un grain, une lumière, un spleen céleste, évoquant, de loin, le Virgin Suicides de Sofia Coppola et affichant, à tout le moins, un état d’esprit totalement dégagé des préoccupations numérico-esthétiques de l’époque. Rafraîchissant en diable.

(1) Mots-clés YouTube: prodigy hospital official

(2) Mots-clés YouTube: pastels vivid youth

(3) http://weirdtapes.blogspot.com

(4) Mots-clés YouTube: au revoir simone dark halls abosch

(5) Mots-clés YouTube: ian fays 16 weeks

(6) Mots-clés YouTube: girls lust for life official

N.C.

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