Daech n’a rien inventé à la propagande, le nazisme oui

Malgré la barbarie affichée, la recette des clips de Daech commence à s'essouffler. © CAPA TV/Canal+
Fanny Betermier Stagiaire

Alors que l’état islamique terrorise la planète à coup d’attentats et de vidéos d’exécutions, de nombreux spécialistes se penchent sur la façon dont est construite leur propagande. Plans hollywoodiens, scénarios de jeux vidéo et discours guerriers, les films des studios Daech ne révolutionnent pas un genre qui « fêtera » bientôt ses 100 ans.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, la propagande n’était pas tant considérée comme une technique de persuasion que comme de la simple publicité au service d’une idéologie. C’est donc principalement dans cette optique que la cinéaste allemande Leni Riefenstahl est devenue la réalisatrice des films de propagande du régime nazi. Rejetée par la profession après la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle restera néanmoins dans l’histoire pour avoir été une des pionnières du genre.

Lorsque le mouvement national-socialiste arrive au pouvoir, Riefenstahl est publiquement chargée d’utiliser ce tout jeune média qu’est le cinéma pour immortaliser les grands meetings du parti. Selon Slate, c’est plus par envie de tourner à tout prix et par amitié pour Hitler que par sympathie pour l’idéologie que Leni accède à cette fonction. C’est elle qui capte les discours enflammés et filme les marées humaines de partisans, en délire à la seule vue d’Hitler. À la suite des rassemblements de Nuremberg de 1933 et 1934, elle produit deux documentaires, La Victoire de la foi et Le Triomphe de la volonté. Deux ans plus tard, le régime veut immortaliser sa suprématie lors des Jeux Olympiques de Berlin. C’est à nouveau Riefenstahl qui est derrière la caméra pour produire Les Dieux du stade.

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Les Nazis plus innovants

Si l’état islamique est loin d’être le premier à se servir des films pour tenter de répandre son idéologie, Leni et le régime nazi ne le sont pas non plus. Presque dix ans avant La Victoire de la foi, le réalisateur soviétique Sergueï Eisenstein rencontre le succès avec La Grève. Il y prône l’idéologie socialiste au détriment du régime tzariste, tombé 7 ans auparavant. Mais ce qui fait la particularité de Riefenstahl par rapport à Eisenstein, c’est qu’elle n’emploie pas la fiction. Elle produit pour la première fois un film documentaire de propagande, lui permettant de retranscrire la véritable atmosphère des meetings de Nuremberg. Une caractéristique commune avec les clips de Daech, puisque des prêches et de véritables exécutions y sont documentées. Sauf qu’en s’alignant sur les blockbusters de notre époque, qui nous habituent à la violence à l’écran, la propagande de l’état islamique ne pouvait être qu’infiniment plus violente que celle du troisième Reich à l’époque.

Mais c’est bien au niveau de l’implication et du rapport à la cause que le califat autoproclamé et la propagande nazie divergent le plus. Ceux qui réalisent les vidéos pour Daech sont aussi des soldats pour la cause, des « combattants-reporters ». Ils sont intimement liés à l’idéologie qu’ils tentent de propager. Leni Riefenstah, elle, n’est pas affiliée au Parti nazi avant de prendre la tête de sa propagande. C’est principalement le budget illimité mis à sa disposition, ainsi que la perspective de plusieurs années de carrière très prolifiques, qui la poussent à accepter le poste. Leni est avant tout une opportuniste. Ce qui l’intéresse, c’est de faire des films à sa manière, peu importe le genre ou le commanditaire. C’est pour cette raison que ses documentaires sont rythmés de musiques grandioses et visuellement recherchés, avec des jeux de plongées et de contre-plongées pour représenter le pouvoir.

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La résistance 2.0

Daech n’est donc pas non plus la première organisation à mettre en place une propagande esthétiquement élaborée. La recette commencerait même à s’essouffler, comme l’explique le réalisateur Jean-Louis Comolli dans une interview accordée à Slate: « Rien ne ressemble plus à un égorgement qu’un autre égorgement. Ils ont varié les mises à mort. On a vu des noyades, des embrasements, etc. On peut voir là qu’ils avaient déjà l’inquiétude de lasser. Mais le problème pour eux, c’est que leur propagande relève des pulsions. Et le propre des pulsions, c’est la saturation. »

Enfin, la propagande de Daech semble emprunter une autre caractéristique à son homologue allemande d’avant-guerre: les réactions d’oppositions parodiques. C’est en effet après avoir visionné Le Triomphe de la volonté que Charlie Chaplin eu l’idée de faire son célèbre film moquant Hitler, Le Dictateur. Grâce à Internet, c’est à présent la planète entière qui peut répondre à la violence de l’état islamique par l’humour et la dérision, comme l’avaient par exemple fait les Japonais alors que les djihadistes menaçaient d’exécuter deux de leurs compatriotes.

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