James Franco, l’homme aux mille visages

James Franco se dédouble dans The Deuce, où il tient le rôle de jumeaux propriétaires de bars servant de couverture à la mafia new-yorkaise des seventies. © HBO
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Acteur pluriel aux multiples casquettes, James Franco voit double dans The Deuce, la nouvelle série du créateur de The Wire David Simon et son collaborateur George Pelecanos. Portrait (forcément) éclaté.

En 2011, il présente la cérémonie des Oscars en compagnie d’Anne Hathaway et essuie une pluie massive de critiques. En cause? Son manque patent d’enthousiasme. Nonchalant, James Franco? Certainement pas. Un peu schizo plutôt, ou quelque chose comme ça, et carrément hyperactif. Un peu éparpillé aussi, donc peut-être pas forcément toujours à sa place. De ce fiasco retentissant, l’acteur bien sûr préfère rire, ironisant un peu plus tard à la télévision: « Vous dites que j’ai merdé aux Oscars. J’étais en fait au sommet de mon génie créatif. Il s’agissait d’un happening expérimental impliquant de somnoler dans un smoking. » Bien plus qu’une simple boutade, cette déclaration résume au fond à elle seule la complexité du personnage, capable à la fois d’apparaître dans des blockbusters de type Spider-Man ou Alien: Covenant et dans les films les plus indés et fauchés qui soient, de prêter son nom au générique de drames auteuristes signés Gus Van Sant ou Wim Wenders et de faire le zozo dans des pantalonnades joyeusement régressives comme Pineapple Express ou The Interview.

Et ce n’est là qu’un début. Acteur protéiforme et touche-à-tout à la fiche IMDb longue comme deux bras, Franco, 39 ans, est aussi réalisateur, scénariste, producteur, metteur en scène, écrivain, peintre, sculpteur, photographe, musicien… Un artiste couteau suisse multipliant les projets en tous genres jusqu’au vertige, du plus accessible au plus conceptuel. « Je veux me donner les moyens de faire tout ce que j’ai envie de faire dans la vie, se justifie-t-il. Harmony Korine (qui l’a dirigé dans Spring Breakers, NDLR) m’a dit un jour que Rainer Werner Fassbinder, dont nous sommes tous les deux très friands, envisageait l’ensemble de son oeuvre comme l’édification d’une vaste maison. Tel projet tient lieu de chambre à coucher, tel autre de salle de bains… Vous faites parfois de petites choses, et parfois de plus significatives, mais au bout du compte elles s’assemblent pour former un grand tout. »

La philo selon Franco

Quant à savoir quel genre de maison il ambitionne de construire, il commente dans un large sourire: « Une maison très hétérogène, sans doute. Gamin, je me rêvais en grand acteur dramatique à la Brando… et puis j’ai rencontré Seth Rogen (rires). J’ai commencé à faire de la comédie et, contrairement à ce que j’avais toujours pensé, les gens m’ont immédiatement apprécié dans ce registre-là. Et moi aussi à vrai dire, j’ai tellement aimé ça qu’aujourd’hui je ne pourrais plus m’en passer. »

Esthète chez les clowns, clown chez les esthètes, les uns moquant gentiment son intellectualisme, les autres ses dérives bouffonnes, Franco a grandi à Palo Alto, en Californie. Fils d’une poétesse, petit-fils d’une galeriste, il reste marqué par sa formation académique. Passionné de littérature classique, il donne ainsi des cours de cinéma à l’université et joue dans les films de ses étudiants. Quand il n’enseigne pas la philosophie sur YouTube… Toujours un pied dans le système hollywoodien et l’autre dans la marge. « Il est primordial de garder un équilibre entre ces deux pôles. Je pense sincèrement qu’il est possible d’être créatif à Hollywood mais il faut rester très vigilant. Il est vite fait de s’y brûler les ailes. Prenez trois exemples de réalisateurs contemporains que j’admire: David Lynch, Danny Boyle et les frères Coen. Ils ont tous commencé petits, farouchement indépendants, mais ils se sont tous, à un moment donné de leur carrière, vu offrir une très grosse somme d’argent. Qu’est-ce qu’ils en ont fait? Lynch a tourné Dune, Boyle The Beach et les Coen The Hudsucker Proxy. Soit trois échecs cuisants. C’est évidemment facile à dire mais il faut pouvoir garder le contrôle. Aller chercher l’argent nécessaire, ni plus ni moins, pour faire le meilleur film possible. Le cinéma c’est ça, un mélange fragile d’art et de business. »

Alors que l’on guette avec curiosité une hypothétique diffusion de The Disaster Artist, son nouveau long métrage où il ne laisse à personne d’autre le soin d’incarner Tommy Wiseau, le réalisateur de The Room (2003), soit ce nanar définitif que beaucoup considèrent comme le Citizen Kane des mauvais films, Franco fait aujourd’hui l’événement de la rentrée séries au générique de The Deuce (lire également notre critique), créée par le tandem gagnant Simon-Pelecanos. « Il n’y a jamais rien eu de meilleur à la télévision que The Wire. J’ai rencontré David Simon il y a plusieurs années pour un projet qui ne s’est pas concrétisé. Dans la foulée, je lui ai donc demandé s’il n’avait rien d’autre sous le coude. Il m’a parlé de son intérêt pour l’essor de l’industrie porno à New York dans les années 70. Étant un inconditionnel de Mean Streets, Serpico, Dog Day Afternoon, ce genre de films, j’ai gardé cette info dans un coin de ma tête. Et puis un jour j’ai lu un livre, Difficult Men, sur le nouvel âge d’or de la télévision, et l’idée, en tant qu’acteur, de pouvoir creuser et faire évoluer un personnage sur plusieurs heures de fiction m’a tellement emballé que j’ai recontacté David pour lui dire: « Faisons cette série sur le porno, New York, les seventies, je suis chaud. » » À l’arrivée, fidèle à lui-même, l’animal tient non seulement les deux rôles principaux, des jumeaux propriétaires de bars servant de couverture aux mafieux du coin, mais réalise aussi deux des huit épisodes de la série. James Franco, ou une certaine idée de la multiplicité…

The Deuce, ce dimanche 10 septembre à 03h00 sur BE 1.

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