Critique

[À la télé ce soir] Un numéro sur ma peau

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Nicolas Bogaerts Journaliste

Entre 1940 et 1945, le camp d’extermination nazi faisait tatouer le bras de ses prisonniers. Ce n’était pas qu’un marquage de bétail, le signe de la perte de toute identité: c’est aujourd’hui un label rappelant les horreurs par lesquelles ils devaient perdre toute humanité.

« Avec le temps, le tatouage est devenu une partie de moi. (…) Les gens me demandent souvent pourquoi je ne le fais pas retirer (…). Pourquoi le ferais-je? Il n’y a plus beaucoup de gens sur cette terre qui portent comme moi ce témoignage. » Ces mots sont ceux de Primo Levi, matricule 174517, qui consigna dans Si c’est un homme le récit de ses années à Auschwitz. Entre 1940 et 1945, le camp d’extermination nazi faisait tatouer le bras de ses prisonniers. Ce n’était pas qu’un marquage de bétail, le signe de la perte de toute identité: c’est aujourd’hui un label rappelant les horreurs par lesquelles ils devaient perdre toute humanité. Uriel Sinai et Dana Doron captent avec une infinie compassion, de la tendresse et du temps, cette vie qui ne leur a pas été enlevée en immortalisant leurs visages et leur quotidien. Leurs récits sont tour à tour surprenants, émouvants, touchants, écoeurants, drôles. Leur force de vie stupéfiante. Alors que le choix de plusieurs descendants de se faire tatouer le numéro de leurs aïeuls met mal à l’aise, Maurice Finsi dialogue avec son petit-fils: « Tu l’as fait pour te souvenir de moi?Pour que les gens n’oublient pas la Shoah? »« Je l’ai fait pour que moi je n’oublie pas »« C’est ça, ma victoire! ». Les images font plus qu’un travail de mémoire, elles donnent à voir la transmission, la rémission ou la colère, l’humour qui trouve son chemin. Elles documentent les rencontres entre les générations dans les écoles, les retrouvailles entre les survivants, les amis d’enfance qui se cherchent du regard, tentent de deviner, derrière les rides, ceux qu’ils ont connu jadis, partagent leurs expériences cathartiques et leurs secrets de résilience: « Tu es retourné à Auschwitz? »« Plein de fois, plein de fois.. »« Alors, à mon avis, tu ne t’es jamais libéré de ce camp ». Selon un dicton de Thessalonique, « plus tu sais, plus tu souffres ». Savoir avec eux, souffrir avec eux, rire et pleurer avec eux, pour ne pas reproduire. Une noble réussite.

DOCUMENTAIRE D’URIEL SINAI ET DANA DORON. ****

Ce lundi 23 janvier à 00h15 sur Arte.

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