Critique

[À la télé ce soir] Insecure, Squadra Criminale et Poupoupidou

Issa Rae (à droite), créatrice et actrice principale d'Insecure, irradiante de fragilité drolatique. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Une soirée, trois propositions: deux nouvelles séries de qualité et le drôle et surprenant film de Gérald Hustache qui a révélé la formidable Sophie Quinton.

Insecure

Série créée par Issa Rae and Larry Wilmore. Avec Issa Rae, Yvonne Orji, Lisa Joyce et Jay Ellis. ****(*)

Ce jeudi 11 mai à 21.00 sur Be 1.

Tirée de la web série Awkward Black Girl de et avec Issa Rae, Insecure en garde la fraîcheur, la pertinence dans l’analyse sociétale… et l’auteure et personnage principal. Issa est médiatrice dans les écoles pauvres de Los Angeles. Pas simple de trouver sa place dans un monde du travail dirigé par des Blancs et une vie de couple dans une grande ville tentatrice quand on est une jeune fille black de 28 ans avec des rêves plein la tête. Issa se reproche son attitude passive/agressive, un épanouissement professionnel qui tarde, la routine de sa vie amoureuse tapie sur le canapé devant la télé, plus rarement accrochée au rideau ou roulée dans les draps à faire des galipettes. Le peu d’estime de soi jaillit de ses grands yeux d’ado éternelle, de sa gouaille volontariste, de ses bourdes à répétition. À travers ses tentatives de correspondre à ce qui est attendu d’elle et à ses propres désirs, se raconte une autre histoire. Celle du biais irrémédiablement jeté sur elle et ses amis afro-américains. Tous tentent de naviguer dans la nasse des stéréotypes conscients ou inconscients dont ils font l’objet, des assignations et des conditionnements. Certains s’en insurgent, d’autre développent des stratégies (au sens psycho-relationnel) pour coller au modèle blanc bourgeois… Issa, elle, avance par lapsus, verbaux ou corporels, fissure l’ordre des choses et est diablement attachante. Ses amis, peu ou prou, traversent les mêmes questionnements dans une société dont le caractère post-racial n’est qu’un souvenir, aussi lointain que la silhouette charismatique de cet Obama qui le porta. Exit les gentillesses du Cosby show ou l’entre-soi du blacksploitation. On retrouve l’autodérision joyeusement caustique de Dream On (série fondatrice du style HBO) dans cette série qui partage avec l’Anglaise Fleabag l’humour frontal des femmes libérées. « Comment serait ma vie si j’allais au bout de mes rêves? » se demande, candide, Issa au premier épisode. Loin de paraphraser J.J. Goldman, la série déploie des trésors de contextualisation politique -entre ici, James Baldwin…-, culturelle, sociale, urbanistique, d’oscillations entre le doux et l’amer, le radical et le tout public. La B.O., où figurent Raphael Saadiq, Kendrick Lamaar, Drake, Frank Ocean, Vince Staples ou Kamaiyah, fait le liant d’une série intelligente, sensible et absolument délectable. (N.B.)

Squadra Criminale

Série policière créée par Claudio Corbucci. Avec Miriam Leone, Matteo Martari, Monica Guerritore, Thomas Trabacchi, Luca Terracciano. ****

Ce jeudi 11 mai à 20h50 sur Arte.

Noir et âcre comme un ristretto pris à jeun, Squadra Criminale (Non uccidere dans sa version originale produite par la RAI) est une série policière au synopsis à première vue banal: les enquêtes d’une brigade criminelle menée par une policière tourmentée. Mais la série n’en développe pas moins plusieurs caractères non conventionnels et particulièrement captivants. Le premier tient à la personnalité de son actrice principale, Miriam Leone. Mannequin et présentatrice télé, Miss Italie 2008, pédigrée de beauté fatale, son incarnation de la jeune capitaine Valeria Ferro, lunatique et cernée jusqu’aux genoux, ténébreuse aux intuitions fulgurantes, aux passions rentrées et aux émotions maladives et rachitiques, est phénoménale. Le deuxième, à l’arc narratif en deux temps (et autant d’épisodes) que décrit chaque affaire que la brigade policière et sa cheffe aux méthodes fort peu orthodoxes auront à élucider. Le troisième réside dans sa faculté à faire la chronique sociale de l’Italie d’aujourd’hui et le scan des relations dysfonctionnelles, pour ne pas dire carrément malsaines, qui font le lit des amours et des tricheries contemporaines. Seule femme dans un univers policier masculin, Valeria Ferro joue de son instinct, non pas féminin (quel cliché) mais animal, et de sa faculté à entrer en résonnance avec les monstruosités et les souffrances humaines, nourris d’un passé lui-même passablement douloureux. On ne dira jamais assez ce qu’il faut de social, de poussières et de crasses dissimulées sous les tapis et derrière les dorures pour faire un bon polar. Les mal-être familiaux, intimes, sociétaux qui se reniflent les uns les autres, doivent sans doute beaucoup à l’héritage des Maigret de Simenon. Mais au XXIe siècle, ils sont surlignés par le vide noir d’un monde relationnel basé plus que jamais sur le paraître et les apparences. Écrit avec adresse par le créateur Claudio Corbucci, mis en ombres et lumières par Giuseppe Gagliardi, ce suspense rythmé, féministe, certes un peu monochrome, prend aux tripes. (N.B.)

Poupoupidou

Film policier de Gérald Hustache-Mathieu. Avec Jean-Paul Rouve, Sophie Quinton, Guillaume Gouix. 2011. ****

Ce jeudi 11 mai à 22h45 sur RTL TVI.

C’est l’histoire d’un écrivain, auteur de polars, en panne totale d’inspiration et que son errance mène à Mouthe (dans le département du Doubs), la ville la plus froide de France. Quand il y débarque, Candice est déjà morte, sur la frontière franco-suisse. On parle de suicide, mais il y a un mystère auquel David ne saurait rester insensible. Pas plus qu’il ne restera insensible au charme post-mortem de la défunte, une jeune reine de beauté, égérie d’une marque de fromage et quasi-sosie de Marilyn Monroe… Drôle et prenant, singulier, émouvant, prodigue en surprise, Poupoupidou est une petite merveille étrange, un bonheur de film risqué, fragile et d’autant plus captivant. Face à un excellent Jean-Paul Rouve, Gérald Hustache-Mathieu y dirige son égérie Sophie Quinton, qui avait déjà joué dans tous ses courts métrages et son premier long (Avril -2006). Elle est formidable! (L.D.)

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