Critique

À la télé ce mardi soir: Quand Poutine fait ses jeux

Quand Poutine fait ses jeux © MDR/Franz Koch
Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

En juillet 2007, Sotchi est désignée par le CIO pour organiser les Jeux d’hiver de 2014. Pourtant, bien des voix se sont élevées pour critiquer ce choix pour le moins surprenant. Le site se trouve en effet dans une région au climat subtropical, où il neige rarement.

La scène se déroule au pied du tremplin de saut à ski de Krasnaïa Poliana, l’une des installations supposées accueillir les Jeux Olympiques de Sotchi, en février prochain. Vladimir Poutine est en visite. Et les travaux ont du retard. Beaucoup de retard. En décembre 2012, le tremplin est à nouveau condamné pour cause de glissement de terrain, la structure géologique sur laquelle il repose ayant été mal étudiée: non seulement les travaux tardent, mais les budgets explosent. Alors Poutine interroge froidement le vice-Premier ministre, devant les caméras. « C’est de la faute de qui », interroge- t-il, glacial, glaçant. Et son interlocuteur de bredouiller des réponses confuses, avant de citer un nom, celui de l’ancien responsable du site. « Le camarade Bilalov? Il fait quoi maintenant? Il travaille où? », s’enquiert le président russe, sur un ton qui ne laisse rien présager de bon pour ledit camarade Bilalov. Dans la même discussion, on apprend que les budgets ont plus que sextuplé, provoquant là aussi la froide rage de Poutine, personnage assez terrorisant s’il en est.

Normal d’ailleurs qu’il s’inquiète de l’avancée des travaux. Sotchi 2014, c’est son projet. C’est lui qui l’a porté en multipliant les face-à-face et les visites, en intervenant personnellement dans des réunions du CIO, bref, en mettant dans la balance tout son poids d’homme fort du XXIe siècle. Au grand dam de Salzbourg d’ailleurs, grande concurrente de Sotchi pour l’organisation de ces jeux et dont le dossier, bien plus solide a priori, n’a pas fait le poids, comme en témoigne l’une des représentantes du projet, pleine de dépit dans la voix, devant l’objectif d’Alexander Gentelev. Lequel nous raconte l’histoire d’une station balnéaire subtropicale, lieu de villégiature russe par excellence (154 km de côte où il fait 10° en février!), qui va se transformer de manière assez étonnante en ville olympique d’hiver. Poutine, amateur de ski, se serait donc « construit un monument à sa propre gloire » avec ces improbables JO pour lesquels il a fallu tout construire, tout inventer. Précipitation, corruption, vagues d’expropriations: les détails de cette opération on ne peut plus louche et bancale nous sont révélés dans cette puissante enquête que le Comité International Olympique n’a bien évidemment pas cautionnée. Un nouvel exemple où le sport, pris en otage par la politique, n’a finalement plus rien d’une innocente promenade de santé.

  • DOCUMENTAIRE D’ALEXANDER GENTELEV.
  • Ce mardi 28 janvier à 20h50 sur Arte.

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