Critique

À la télé ce mardi soir: Capitalisme, petite histoire de l’accumulation

L'esclavage a nourri l'essor du capitalisme. © Cultural Heritage Ima
Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Si Adam Smith, considéré comme le « père du capitalisme », croyait aux lois naturelles de l’économie et à l’inclination des hommes au commerce, le capitalisme ne résulte pas d’un concept, mais bien d’un processus historique, amorcé avec la découverte de l’Amérique, la colonisation et le commerce triangulaire.

Sacrée ambition que celle d’Ilan Ziv qui, avec Bruno Nahon, a écrit cette impressionnante série documentaire en six épisodes. A deux, ils se sont piqués de parler capitalisme dans toute son ampleur, de l’historique aux conséquences contemporaines, souvent en liant les deux aspects d’ailleurs. Comme dans ces deux premiers opus, qui reposent sur Adam Smith et sur son fameux ouvrage La richesse des nations. Smith est-il le fondateur du capitalisme? Ses concepts de main invisible, son analyse précoce de la division du travail ou de l’offre et de la demande sont-ils à l’origine du système ou sont-ils, à l’inverse, l’expression théorisée d’une situation préexistante?

D’après Ilan Ziv, Bruno Nahon et la solide brochette de spécialistes qu’ils ont sollicités pour ce film, le capitalisme ne serait pas né d’une théorie, mais bien d’une colonisation, celle du continent américain. 1492 marquerait ainsi le démarrage de la révolution scientifique, mais également celui du système économique qui va s’imposer à l’échelle du monde. Un système fondé sur l’accumulation de richesse et sur l’investissement. Notamment, dans ces temps originels, sur le nouveau continent américain. A coups d’esclaves, faut-il le souligner? Adam Smith, dont l’oeuvre et les caricatures qu’on a pu en faire sont ici très opportunément nuancées, a complètement fermé les yeux sur l’esclavage. C’est l’un des multiples aspects qui nous sont présentés dans ces films bien charpentés, d’une densité étonnante, appuyés sur des dispositifs ludiques, sur des animations et autres illustrations didactiques et, surtout, une documentation et un sérieux qui forcent le respect.

De Smith à Marx, de Ricardo à Hayek, de Malthus à Friedman, les plus grands économistes de l’Histoire voient ainsi leurs oeuvres analysées à l’aune de ce qu’a réellement donné le capitalisme. Pour ce faire, Ziv et Nahon n’ont pas hésité à parcourir 22 pays, histoire d’ancrer les livres et l’idéologie dans le vécu des populations. Comme à Haïti par exemple, où les pressions du FMI pour ouvrir les marchés ont complètement asphyxié les producteurs locaux. Il existe 1000 autres exemples du genre, que Capitalisme nous met en relief avec les données théoriques nécessaires, tout en n’étant jamais ennuyeux ou abscons. Une belle réussite, que l’on vous conseille chaudement.

  • Documentaire d’Ilan Ziv et Bruno Nahon.
  • Épisodes 5 et 6 ce mardi 28 octobre à 22h50 sur Arte.

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