À la télé cette semaine: Room 104, Polisse, Bruxelles Le grand mix…

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Films, séries, documentaires… Notre programme télé pour la semaine du 7 au 13 avril.

BRUXELLES. LE GRAND MIX

Documentaire de Philippe Cornet. ***(*)

Lundi 9/4, 21h10, La Trois.

À la télé cette semaine: Room 104, Polisse, Bruxelles Le grand mix...
© DR

Dans le sillage de Dubaï, Bruxelles est devenue la deuxième ville la plus métissée du monde. Cent quatre-vingt-trois (!) nationalités différentes y cohabitent désormais dans un joyeux et indomptable brassage. Si aujourd’hui plus de la moitié des ménages bruxellois parlent plusieurs langues à la maison, il n’en a bien entendu pas toujours été ainsi. Comment, au cours des dernières décennies, notre capitale, ville fractionnée mais en perpétuel mouvement, s’est-elle bariolée de mille couleurs et d’autant de cultures? Entre épanchement de tendresse et exigence factuelle, notre collaborateur, le réalisateur et journaliste Philippe Cornet, dresse, à partir d’une photo de classe, un portrait de Bruxelles, de son âme et de ceux pour qui sa mixité fait sa force. On y croise en vrac Marc Hollander, fondateur de Crammed Discs, chez qui fun et cosmopolitisme ont toujours fait bon ménage, Patrick Wallens, fondateur du toujours bigarré festival Couleur Café ou encore la Zap Mama Marie Daulne, figure incontournable de la sono mondiale à la belge. Fruits de l’immigration, Belges d’adoption, quidams et personnalités nous chantent tant la ville d’hier, « silencieuse et violente » selon Dick Annegarn qui l’a amoureusement interprétée, que celle de demain, véritable laboratoire du vivre-ensemble, dont la diversité s’étend à l’échelle du monde. M.U

MEMORIES OF MURDER

Film policier de Bong Joon-ho. Avec Song Kang-ho, Kim Sang-kyung, Byun Hee-Bong. 2004. ****(*)

Lundi 9/4, 22h55, Arte.

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Superbe polar sombre que ce film coréen signé du cinéaste de The Host, Snowpiercer et Okja. Le surdoué Bong Joon-ho y narre la longue, complexe et éprouvante enquête visant à retrouver le ou les coupable(s) d’une série de meurtres accompagnés de viols. Dans la campagne coréenne, la peur est désormais partout. Deux limiers et une unité spéciale de la police ne seront pas de trop pour percer le cruel mystère… Plongeant dans une atmosphère lourde de terreur et d’incompréhension, Memories of Murder s’inspire librement d’une affaire authentique de serial killer (le premier connu en Corée du Sud) ayant sévi entre 1986 et 1991. Tourné sur les lieux des crimes réels, le film trouble et captive d’autant plus qu’il évite les clichés du polar, esquissant le portrait d’une époque, en ce compris sa situation politique. Remarquablement joué, mis en scène avec une rare maîtrise, un film à voir absolument! L.D

QUEST

Documentaire de Jonathan Olshefski. ****

Mardi 10/4, 23h45, France 2

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« Quest », c’est ainsi, dans les rugueux quartiers nord de Philadelphie, que l’on connaît Christopher Rainey. Quest, du nom du studio (Everquest Recordings) en dessous de chez lui où il enregistre depuis treize ans les rappeurs du coin. Dans cette partie de la ville où les gens ne sont pas aussi durs qu’ils en ont l’air et où les Blacks sont suspects tant que leur innocence n’est pas établie, Christopher vit avec Christine (alias Ma Quest) et leur fille PJ. Pour gagner sa vie, il distribue des journaux. Christine, elle, a l’impression d’être une maman où qu’elle aille. Elle bosse dans un centre pour femmes et enfants sans domicile. Et son fils aîné, 21 ans, né d’une précédente union, a un gamin et une tumeur cancéreuse au cerveau. Présenté au festival de Sundance l’an dernier, Quest est le premier documentaire de Jonathan Olshefski, déjà élu parmi les 25 nouveaux visages du cinéma indépendant par Filmmaker Magazine et présenté comme l’un des neuf réalisateurs à découvrir par le New York Times. Loin des clichés sur les Blacks et sur le rap, Quest est le portrait d’une famille afro-américaine pas épargnée par les coups du sort. Une famille qui a du mal à joindre les deux bouts mais, en dépit des malheurs qui l’accablent, continue de garder la tête haute et de défendre sa communauté. On suit le quotidien de chacun. Puis aussi la petite vie du studio, ses Freestyle Fridays où viennent improviser les mecs du quartier. « Je suis frustrée aussi. Nous ne sommes pas riches et, désolée, Oprah Winfrey n’est pas ici pour te donner la garde-robe dont tu as besoin« , assène Christine à sa fille. Dans Quest, et plus particulièrement dans la famille Rainey, on refuse de se présenter comme des victimes des circonstances. On essaie de surmonter les obstacles, de passer par-delà les drames. Même quand la violence armée vient collatéralement s’en mêler. Jonathan Olshefski signe un portrait de famille plein de pudeur, fruit de dix ans de travail, qui fait écho, dans le déchaînement du quotidien et la résistance sage, aux réflexions de Ta-Nehisi Coates, James Baldwin et Raoul Peck… J.B

POLISSE

Film policier de Maïwenn. Avec Karin Viard, JoeyStarr, Marina Foïs. 2011. ****

Mercredi 11/4, 20h55, Arte

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Maïwenn nous plonge dans le quotidien des policiers de la BPM, la Brigade de Protection des Mineurs. Pas par le biais d’un documentaire mais par celui d’une fiction documentée, réalisatrice et acteurs ayant procédé à des recherches et à une immersion propres à les « coller » à la réalité. Le film aborde les différents aspects de l’activité de ces flics devant faire face à des situations terriblement délicates, pédophilie comprise, et impliquant très souvent les familles de manière directe. Une distribution des plus remarquables apporte l’incarnation que Polisseexigeait. Karin Viard, Marina Foïs, JoeyStarr (formidable!) et les autres s’identifient totalement à leurs personnages et nous nous identifions à notre tour à eux. Une expérience très forte, bouleversante par endroits, révélant un front social majeur, sur la ligne duquel des hommes et des femmes livrent un combat salvateur. L.D

ROOM 104

Série créée par Jay et Mark Duplass. Avec Melonie Diaz, James Van Der Beek, Orlando Jones, Karan Soni. ****

Jeudi 12/4, 21h00, BE 1

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« Le motel, comme tout élément ordinaire de la ville, ne prend sens qu’en regard de l’humanité voyageuse qu’il accueille. » Dans Lieu commun (Éditions Allia, 2017), le philosophe Bruce Bégout offre une observation presque sociologique du motel américain que la série Room 104 (à qui HBO va offrir une deuxième saison) semble illustrer à la lettre. Soit, dès l’ouverture, une chambre de motel comme il en existe tant: deux lits jumeaux, un grand miroir sur le mur et la salle de bain au fond à gauche. Une disposition répétitive qui a quelque chose de rassurant. Difficile pourtant de pénétrer ce lieu de routine, de passage, ce « home away from home » sans imaginer ou fantasmer ce qui a pu s’y dérouler, se tramer, une fois la porte refermée. Nuit torride, crime passionnel, solitude infinie. L’imagination au pouvoir est alors capable de milliers d’histoires fascinantes, romanesques, intrigantes ou, au contraire, banales, glauques, effrayantes. Explorant les possibilités de ce lieu cinématographique, les frères Jay et Mark Duplass donnent corps à cet imaginaire multiple, adoptant un schéma anthologique qui rappelle La Quatrième Dimension, Alfred Hitchcock présente ou Les Contes de la crypte. Respectant strictement l’unité de lieu -la même chambre du même motel de Long Island, non loin de New York-, chaque épisode abrite une histoire, une époque et des protagonistes différents, qu’il fait tôt basculer vers des registres variant de l’angoisse au fantastique, de la comédie à l’expérience onirique. Un baby-sitting qui tourne au gore. Un livreur de pizza pris en otage par une grotesque audition d’acteurs. Un écrivain venu s’isoler qui se rend compte, quelques minutes avant une réunion cruciale, que son manuscrit est resté chez lui. Une gémellité contrariée, des quêtes spirituelles ou charnelles, la mélancolie d’une première nuit d’amour, une rencontre improbable avec son enfant intérieur. Dans une chambre de motel, les contraintes spatiales transforment les situations les plus improbables en expériences de laboratoire, en poésie humaine, et les protagonistes en personnes délestées de la responsabilité morale de leur propre histoire. D’où des fins abruptes, des explications aussi absentes que le monde extérieur, un refus de la linéarité du récit qui, un épisode après l’autre, change de décennie et de genre. Réalisé avec un tout petit budget, réunissant un casting aussi bigarré que ces récits (dont James Van Der Beek, revenu de Dawson), Room 104 dépasse le simple exercice de style et se révèle un objet insaisissable mais touchant, surprenant, une expérience visuelle et émotionnelle peu commune. Nicolas Bogaerts

BORN TO KILL

Minisérie créée par Tracey Malone et Kate Ashfield. Avec Jack Rowan, Romola Garai, Lara Peake, Daniel Mays, Richard Coyle. ****

Vendredi 13/4, 20h30, BE SERIES

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Au premier abord, Born to Kill porte en elle un tic de l’époque, devenu passablement lassant à force de se cogner à la vitre du réel et de l’actualité: une variation de plus sur l’instinct de mort qui transperce l’âme d’une jeunesse en perte de repères et en verve meurtrière, que l’amour ne suffit plus à sauver, bien au contraire. Sur Netflix, une autre série, The End of the F***ing World avait brillamment réussi l’exercice. Réalisée et diffusée en Angleterre au printemps dernier, quelques mois auparavant, Born to Kill propose une version moins tapageuse, qui arrive sur nos écrans dans un contexte plutôt lourd. Et pourtant, cette minisérie créée par le duo de scénaristes Tracey Malone et Kate Ashfield déroule un récit certes glaçant et retors, mais qui n’est pas dénué de nuances, de subtilités et d’une noirceur assumée. Jeune homme lunaire et perpétuellement inquiet, Sam est au coeur d’un lourd secret de famille: on lui a toujours assuré que son père était mort en héros de la guerre contre le terrorisme, en Afghanistan. En réalité, sa mère a tout fait pour lui épargner une vérité beaucoup moins reluisante, à savoir que le paternel végète en prison depuis douze ans, pour meurtre. Mais, au fond, qu’est-ce qui lui a pris de s’accuser de la tentative d’incendie de la classe de sciences dont Chrissie, jeune étudiante tout aussi fissurée que lui, était seule responsable? Était-ce pour s’attirer ses faveurs? Cet amour une fois acquis lui suffira-t-il pour surmonter les pulsions meurtrières qui l’assiègent et la relation toxique que lui impose sa mère, qui va jusqu’à entamer une relation avec le père de Chrissie? Pourquoi raconte-t-il le récit martial de la mort de son paternel devant sa glace, se filmant avec son téléphone, si ce n’est parce qu’il n’y croit plus trop lui-même? La rencontre avec ce père absent ne va pas apaiser le conflit des générations, le mensonge érigé en système (familial, étatique…) résidant au coeur de ce thriller psychologique dont le premier épisode démarre comme un vieux diesel. Lent, étouffant. La patiente observation du passage à l’acte meurtrier de Sam consacre la maîtrise indiscutable d’un scénario qui déploie intelligemment ses intrigues. La réalisation classieuse de Bruce Goodison donne du relief à ce personnage psychopathe, sur le fil du rasoir. La chaleur du regard que l’histoire porte sur l’ensemble des protagonistes tranche avec la froideur évidente de leurs actes. La performance de tous les acteurs est au diapason de cet oxymore de formes et de récits. Ils suivent une partition si intrigante, passionnante et parfois si hautement irritante que les quatre épisodes partent aussi vite qu’un coup de pistolet. Nicolas Bogaerts

BRUXELLES 58, LA NOUVELLE CAPITALE

Documentaire de Grégory Goethals. ***(*)

Vendredi 13/4, 22h40, La Une

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Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles est une capitale modeste et n’a qu’un statut de ville provinciale. Les routes y sont en mauvais état (déjà) et la circulation, quel que soit le moyen de transport, y est difficile. Un événement va tout changer, prétexte qu’il est à tant de bouleversements. L’Exposition universelle de 1958 (la première depuis la fin du conflit planétaire) se veut le miroir d’un monde futuriste où la technique, l’art et l’architecture transforment la vie. Quasiment 60 ans jour pour jour après son inauguration, Bruxelles 58, la nouvelle capitale revient sur un rendez-vous qui a aussi changé la ville. Une ville alors arborée, sacrifiée sur l’autel de l’automobile. Malgré un manque de peps et une musique pas toujours adaptée à son sujet, le documentaire de Grégory Goethals vaut le coup d’oeil pour ses images d’époque et ses anecdotes. La pub dans un épisode de L’Homme invisible. Les hôtesses en bikini sur le toit du Cinquantenaire. Et Walt Disney qui passe y chercher l’inspiration. Bruxelles 58 retrace l’histoire de l’Atomium et de bâtiments déjà disparus mais va aussi à la rencontre de ses acteurs et porteurs de projet, comme le baron Aldo Vastapane (92 ans, monsieur Martini Belgique) ou encore Claude De Clercq (97 balais et 10% d’Interparking). Instructif et révélateur. J.B

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