À la télé cette semaine: Le Troisième homme, Les Sauvages, Teddy Pendergrass, Chippendales: à qui profite le strip?…

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Films, séries, documentaires: nos sélections télé pour la semaine du 12 au 18 octobre.

LES SAUVAGES

Série créée par Rebecca Zlotowski. Avec Roschdy Zem, Marina Foïs, Dali Bensallah. ***(*)

Samedi 12/10, 20h30, Be Séries.

Idder Chaouch est un homme politique d’origine kabyle qui s’est hissé sous les ors d’une République dont il a épousé les principes et les valeurs. Arrivé au second tour de l’élection présidentielle, il ne tremble pas face au candidat de la droite raciste et identitaire: « Vous êtes le candidat de la vengeance, et moi, le candidat de la vie! » La petite phrase finit de le propulser à la charge suprême. Le soir de son élection, une fête est organisée malgré les menaces d’attentat raciste. Et c’est de la main d’un proche, Krim Nerrouche, jeune neveu de son gendre, que viendra le coup de pistolet. Adapté d’un roman de Sabri Louatah, le récit revient sur ses pas et raconte en parallèle l’histoire du clan Chaouch, promis à la réussite, et celle des Nerrouche, dans la banlieue de Saint-Étienne, faite de pis-aller, de discriminations et de refuges fondamentaux. Cette radioscopie de la société française, incarnée majoritairement par un casting issu des minorités (on notera toutefois la performance remarquable de rigidité de Marina Foïs), va probablement liquéfier les adeptes des théories fumeuses du grand remplacement. Si l’analyse de l’habitus politique et médiatique français est assez juste, les dialogues sont, eux, un peu ampoulés. Et si la vision d’un Idder Chaouch (stoïque Roschdy Zem) élu par le suffrage populaire suscite plaisir et stupéfaction mêlés, c’est que, comme cette série providentielle, elle ravive à point nommé les plaies mal pensées et mal pansées de l’Histoire contemporaine. N.B.

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DEUTSCHLAND 83

Série créée par Anna Winger et Jörg Winger. Avec Jonas Nay, Maria Schrader, Alexander Beyer. **(*)

Dimanche 13/10, 23h15, France 3.

Chacune à leur façon, les séries The Americans et Chernobyl nous ont rappelé les années de guerre froide. Cette fiction télé allemande sortie en 2015 démarre à son tour lors du pic de tension entre USA et URSS, en 1983, juste avant la détente de façade et la chute de circonstance, au moment où « L’Empire du Mal », comme aimait à le désigner Ronald Reagan, a installé des missiles SS-20 à portée de l’Europe de l’Ouest. Répondant à cette « crise des euromissiles » par l’escalade, l’Oncle Sam lance ses nouveaux Pershing et sort de ses tiroirs un stupéfiant projet de « guerre des étoiles » qui sèmera l’ennemi soviétique en rase campagne. Pour l’heure, les espions sont sur les dents, notamment le jeune Martin Rauche, recrue de la Stasi, infiltré au sein de l’OTAN pour récolter des informations stratégiques. Malheureusement, la série noie cette matière explosive et prometteuse dans une nostalgie mal avisée pour une époque idéalisée à coups de rock, de new wave et de références culturelles façon Stranger Things. Ou comment passer à côté de son sujet. N.B.

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MAX ET LES FERRAILLEURS

Drame policier de Claude Sautet. Avec Michel Piccoli, Romy Schneider, Georges Wilson. 1971. ****

Lundi 14/10, 20h50, France 5.

Le cinéma de Claude Sautet aura marqué les années 70 de manière à la fois subtile et intelligente, mais aussi populaire, offrant des rôles majeurs aux meilleurs acteurs français de l’époque. Des Choses de la vie à Une histoire simple en passant par César et Rosalie, Mado et l’emblématique Vincent, François, Paul et les autres, son oeuvre mérite qu’on y retourne régulièrement. Ainsi notamment de ce très remarquable Max et les ferrailleurs, où un inspecteur de police très dévoué à sa tâche (Michel Piccoli) mais déçu par des échecs successifs a l’idée très limite de pousser une bande de malfrats à commettre un flagrant délit. La rencontre d’une prostituée (Romy Schneider), liée au chef des truands et avec laquelle naissent des sentiments amoureux, va potentiellement servir mais aussi compliquer ses plans… Sautet dirige avec précision et justesse son duo des Choses de la vie, dans un polar piège qui tient en haleine tout en atteignant une grande intensité humaine. L.D.

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TRAVAIL, SALAIRE, PROFIT

Série documentaire de Gérard Mordillat et Bertrand Rothé. ***(*)

Mardi 15/10, 20h50, Arte.

La crise du capitalisme et du néolibéralisme nous révèle à quel point l’économie et le productivisme ont infiltré nos modes de vie et d’expression. Et combien les notions fondamentales de travail, emploi, salaire ou profit rythment notre quotidien sans que nous en cernions nécessairement les enjeux. Écrivain et documentariste (L’Origine du christianisme), Gérard Mordillat remonte avec Jérôme Prieur aux origines de ces concepts, fixés dans la modernité par Karl Marx. Se replonger dans les écrits de l’auteur du Capital n’est ni une originalité ni une provocation (ils n’ont jamais cessé d’être consultés, y compris par des penseurs peu susceptibles d’adhérer au modèle communiste). La série en quatre épisodes fait intervenir un large prisme de spécialistes: économistes, historiens, juristes, sociologues et anthropologues de tous continents s’expriment dans un décor sombre, presque janséniste, sur leurs travaux, leurs expérimentations, leurs recherches. Frédéric Lordon, Danièle Linhart, David Graeber, Yann Giraud, entre autres, montrent comment des notions historiquement construites sont devenus des dogmes. Depuis le taylorisme ou le code du travail, jusqu’aux débats contemporains sur la fin du salariat ou la robotisation, en passant par la relation asymétrique employé/employeur et les mirages du développement personnel appliqué aux entreprises, la série se révèle une autopsie dense, pédagogique, fascinante (quoiqu’un peu trop masculine), aux sources historiques de nos maux socio-économiques. N.B.

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LE TROISIÈME HOMME

Thriller de Carol Reed. Avec Joseph Cotten, Alida Valli, Orson Welles. 1949. ****(*)

Mardi 15/10, 21h10, La Trois.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Vienne est le théâtre d’activités illégales en tous genres. Holly Martins (Joseph Cotten), un écrivain américain sans grande ressource, s’y rend à l’invitation d’un ancien camarade d’études, un certain Harry Lime, dont il apprend dès son arrivée… qu’il est mort, renversé par une voiture. À l’enterrement d’Harry, Holly remarque plusieurs personnages louches. Il perçoit des mystères et, de rencontre en rencontre, la sombre réalité des trafics de son ami va lui apparaître. Mais Harry est-il bien mort, au fond? Le Troisième Homme porte ses 70 ans avec un impact et une puissance de fascination intacts. Ce thriller au noir et blanc somptueux, coscénarisé par le grand romancier Graham Greene, offre un de ses rôles les plus ambigus au génial Orson Welles. C’est aussi le tableau mémorable d’une époque. Et la cithare d’Anton Karas l’accompagne d’une musique restée célèbre dans le monde entier. L.D.

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BRUCE DICKINSON, TOUT-PUISSANT

Documentaire de Gorian Delpâture. **(*)

Vendredi 18/10, 21h10, La Trois.

Pilote d’avion, escrimeur, animateur radio et directeur marketing, il a développé des bières artisanales, a survécu à un cancer de la gorge et n’est autre que le chanteur emblématique d’Iron Maiden. Bruce Dickinson a vécu mille vies en une. Et ce décevant documentaire ne leur fait pas honneur. « Pourquoi prend-on la peine de parler littérature avec ce chevelu qui vient de fêter ses 60 ans sur scène? Et bien parce que ce chevelu, il a de la culture… » Comme si être un spécialiste mondial de William Blake, avoir écrit deux romans et donner des conférences dans des universités était lié à la capillarité… La voix digne des reportages où l’on suit des flics au travail est préjudiciable. Basé sur une interview pour la sortie de son autobiographie et des extraits de son one-man-speaking tour, Bruce Dickinson, tout-puissant se concentre sur son rapport à la littérature. Un parti pris intéressant, mais ce n’est pas avec ce résultat que la RTBF concurrencera les docus musicaux du vendredi soir sur Arte. J.B.

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THE EXORCIST

Série créée par Jeremy Slater. Avec Alfonso Herrera, Ben Daniels, Geena Davis. ***

Vendredi 18/10, 21h30, Plug RTL.

Abandonné par la Fox au terme de la seconde saison, ce nouvel avatar du film signé William Friedkin (1973) avait de quoi susciter des frayeurs. Tenter d’approcher les qualités de l’original semblait impensable. Pourtant, la construction patiente de l’histoire donne de l’épaisseur au récit, bien desservi par des images disant tout de l’ampleur du trauma. La série s’appuie également sur des personnages solides, nouant des relations complexes avec leurs proches et leur conscience. Geena Davis dans le rôle de la mère de famille maudite, Alfonso Herrera (Sense8) dans celui du prêtre dépassé, poussés à chercher de l’aide auprès d’un exorciste au passé trouble (Ben Daniels, vu dans House of Cards), jouent tous une bonne partition de départ. À mi-course, pourtant, le scénario trahit son envie de changer de rythme pour devenir une sorte de True Blood chez les bigots mais, ne parvenant pas à se hisser à la hauteur d’une critique originale de la religiosité américaine, se perd dans une succession de scène gores, fantasques, et d’intrigues à la morale fumeuse. N.B.

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CHIPPENDALES: À QUI PROFITE LE STRIP?

Documentaire de Nicola Graef et Julia Zinke. ***(*)

Vendredi 18/10, 22h25, Arte.

Beaux, musclés, huilés, ils sont les rois de l’effeuillage et doivent leur nom à un ébéniste et créateur de meubles anglais. Les Chippendales ont débarqué à Los Angeles fin des années 70, créant une sorte de Disneyland pour femmes, avec de jolis garçons peu farouches pour remplacer Mickey et Peter Pan… Riche, fouillé, le documentaire de Nicola Graef et Julia Zinke revient sur l’histoire de ces play-boys qui ont permis aux femmes d’assouvir leurs fantasmes sexuels. Derrière cet érotisme qui a inspiré Madonna, Full Monty et Dirty Dancing se cachent un ambitieux immigré indien et un jeune avocat californien. Fondateur de la troupe, historien, ancien maître de cérémonie et danseurs de la première heure racontent les dessous de ces icônes de la culture américaine, de ce phénomène de société qui enthousiasme, choque et divise, en soumettant des hommes au rang d’objet. Ce à quoi les femmes avaient droit depuis des siècles. Un spectacle de strip-tease masculin peut-il constituer une réponse féministe à la culture machiste dominante? You can leave your hat on… J.B.

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© © SWR/Neal Preston

TEDDY PENDERGRASS: IF YOU DON’T KNOW ME

Documentaire d’Olivia Lichtenstein. ****(*)

Vendredi 18/10, 00h25, Arte.

Les femmes étaient folles de lui. Les Noires comme les Blanches. Certaines l’attendaient devant sa chambre avec des couteaux et des flingues (elles voulaient le garder rien que pour elles). D’autres dans sa suite, déguisées en soubrettes. Sens du marketing… Il leur a même réservé des concerts (Spend a Night With Teddy) avec distribution de sucettes goût chocolat en forme de nounours. « Je ne vais pas vous piquer vos gonzesses, juste vous les chauffer un peu« , rassurait à l’époque Teddy Pendergrass la gent masculine et les maris méfiants.

Moins célèbre que d’autres soulmen comme Marvin Gaye, Sam Cooke et Barry White, Teddy était lui aussi un aller simple pour nuit torride, un ticket assuré pour le plumard. Un godfather du sexe. Un ancêtre du Viagra. Au-delà de sa voix suave, ses paroles étaient un irrésistible appel au contact charnel. « Turn off the lights and light a candle / Tonight I’m in a romantic mood / Let’s take a shower together / I’ll wash your body and you’ll wash mine / Rub me down with some hot oils, baby, yeah / And I’ll do the same thing to you. »

Passionnant, truculent, If You Don’t Know Me, c’est la vie mouvementée de Pendergrass racontée un peu comme celle du punk américain dans le bouquin Please Kill Me. Par une succession de citations filmées ou simplement audio où le poids des ans sur les souvenirs se mêle à la mauvaise foi et à la réécriture instrumentalisée de l’Histoire.

Sa mère avait accumulé six fausses couches avant sa naissance. L’arrivée sur cette Terre de Teddy, le 26 mars 1950, tient déjà quasiment du miracle. If You Don’t Know Me By Know piqué à la fin des années 80 par Simply Red, Don’t Leave Me This Way plus tard revisité par Jimmy Somerville et ses Communards… Sa carrière commence à décoller dans la confusion avec Harold Melvin & The Blue Notes. Personne alors ou presque ne sait qu’il en est le chanteur. Mais très vite, en solo, Pendergrass embrassera le succès. Avec quatre albums de platine successifs, une bicoque digne de Graceland, des voitures de luxe à gogo et même sa propre marque de jeans.

Sa mère, ses enfants, des vieux potes, journalistes, musiciens, quelques Blue Notes, le tandem d’auteurs compositeurs Gamble et Huff ou encore Questlove des Roots se succèdent à l’image pour brosser le portrait d’un mec au talent énorme et à l’ego surdimensionné qui voulait devenir le Elvis noir et a risqué sa vie pour ouvrir la voie aux artistes afro-américains. Un Black avec des zones d’ombre, du pognon et toutes les femmes à ses pieds. Cible favorite de la police qu’un accident de voiture rendra paraplégique à 31 ans… Hallucinant.

Julien Broquet

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