À la télé cette semaine: Easy Rider, Faites sortir les figurants, Footballeur et homosexuel…

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Films, séries, documentaires: notre sélection télé du 11 au 17 mai 2019.

TROIS ENTERREMENTS

Western de Tommy Lee Jones. Avec Tommy Lee Jones, Barry Pepper, Julio Cedillo. 2005. ****

Dimanche 12/5, 20h55, Arte.

Grande et belle surprise du Festival de Cannes 2005 (il allait y remporter le prix du meilleur acteur et celui du meilleur scénario), il s’agit de la première réalisation du comédien Tommy Lee Jones, alors âgé de 59 ans. Jones y interprète lui-même Pete Perkins, un homme dont l’ami « vaquero » (cow-boy en espagnol) a été abattu par un garde-frontière, et qui oblige le coupable à l’accompagner avec le cadavre jusqu’au village mexicain où il pourra être inhumé. Un sujet fort pour un western contemporain chargé d’une émotion puissante. Écrit par Guillermo Arriaga, alors le scénariste attitré d’Alejandro González Iñárritu, Trois enterrements doit à… Luc Besson d’avoir pu être financé. Un film original et riche de profondes résonances humaines, qui ne vire jamais à la sentimentalité mais offre -en plus d’un spectacle superbe- abondante matière à réflexion morale. À découvrir si ce n’est déjà fait, cette oeuvre singulière ne peut laisser indifférent. L.D.

CANNES 1939: LE FESTIVAL N’AURA PAS LIEU

Documentaire de Julien Ouguergouz. ***(*)

Dimanche 12/5, 22h35, France 5.

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Il n’y a pas qu’Arte (avec sa programmation cinématographique aux petits oignons) et BeTV (avec ses cérémonies d’ouverture et de clôture) pour célébrer la 72e édition du Festival de Cannes. France 5 propose ce dimanche un documentaire très historique sur les relations intimes et privilégiées entre la Croisette et le 7e art. Prévu du 1er au 20 septembre 1939, le premier Festival de Cannes n’a pas eu lieu mais il a existé. L’année précédente, la politique a fait irruption à la Mostra de Venise. Sous la pression de Goebbels et d’Hitler, convaincus que le cinéma était l’arme de propagande la plus puissante de l’époque, l’événement a récompensé un film médiocre fasciste et un grand documentaire nazi. Tandis qu’en réaction germe l’idée d’un festival des nations libres, le débat fait rage. Faut-il prendre le risque de fâcher le Führer et Mussolini, de précipiter l’Europe dans la guerre pour du cinéma alors que les accords de Munich, fraîchement signés, assurent une paix fragile? Nourri par des interviews de l’ancien président du festival Gilles Jacob ou encore de la fille de Jean Zay (jadis ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts), d’historiens et de critiques, le documentaire de Julien Ouguergouz revient sur les racines du grand rendez-vous cinéphile, explique comment Cannes a doublé Biarritz et replace la genèse de l’événement dans son contexte politique tourmenté. J.B.

LES ENFANTS D’ERASMUS: L’EUROPE POUR TOUS?

Documentaire d’Angeliki Aristomenopoulos et Andreas Apostolidis. ***(*)

Mardi 14/5, 22h25, Arte.

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Pour certains, ils furent l’occasion de voir du pays et de faire la fête. Pour d’autres, ils constituèrent un billet pour une nouvelle vie. Depuis 30 ans, la Commission européenne propose des programmes de mobilité pour l’éducation et la formation. S’approprier d’autres cultures, redéfinir son identité… Depuis sa création, Erasmus (pour EuRopean Action Scheme for the Mobility of University Students) a bénéficié à 9 millions de personnes et reste sans doute l’une des plus belles réussites en termes d’intégration européenne. Le documentaire d’Aristomenopoulos et d’Apostolidis questionne les systèmes éducatifs et raconte une Turque de Bulgarie en stage dans un hôpital français. Ils suivent Sulyvan qui part se perfectionner dans la chaudronnerie en Lituanie et rencontrent la première génération d’étudiants à avoir bénéficié des programmes d’échange. « Si l’Union européenne ne veut pas s’effondrer, elle doit réapprendre à chérir ses idéaux comme la libre circulation des personnes », dit un philosophe. L’histoire des voyages (et des rencontres) qui forment la jeunesse… J.B.

FOOTBALLEUR ET HOMOSEXUEL: AU COEUR DU TABOU

Documentaire de Michel Royer et Yoann Lemaire. ***(*)

Mardi 14/5, 23h30, France 2.

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« Les Stéphanois, c’est des pédés, des fils de pute, des enculés… Et par les couilles, on les pendra. Oui mais des couilles, ils n’en ont pas. » Bienvenue dans le monde bienveillant, tolérant et poétique du ballon rond. Cet univers viril tendance homophobe, Yoann Lemaire le connaît bien. Et pas juste parce qu’il joue au football depuis qu’il est gamin. En 2004, ce modeste défenseur du FC Chooz faisait son coming out et annonçait à ses équipiers son homosexualité. Victime d’insultes et de rejet ( » Je ne joue pas avec un pédé« ;  » Je ne me lave pas avec un homo…« ), il allait finalement être écarté par ses dirigeants. Viré comme s’il avait foutu le feu au stade, lui qui défendait les couleurs du club depuis quatorze ans.

Son histoire a fait grand bruit. Mais rien n’a vraiment changé. Aujourd’hui, Lemaire essaie d’ouvrir le débat sur l’homosexualité et l’homophobie dans le foot. Il tente de sensibiliser à ce sujet tabou, que ce soit dans les clubs, les centres de formation ou les lycées.

Loin des clichés, Yoann est chaudronnier. Un robuste élément au jeu rugueux et musclé. En classe, il raconte les cartes rouges qu’il prenait étant gamin, les bagarres auxquelles il était mêlé. « On n’arrêtait pas de me traiter de tapette, de pédé. Sauf que moi, j’en étais un… »

Contacté par Jacques Vendroux, journaliste et manager général du Variétés Club de France sensible à la problématique, Lemaire a joué avec Karembeu, Giresse, Blanc, Deschamps avant de retourner dans le club de son village. Il a aussi créé une association pour lutter contre l’homophobie dans le sport, et plus particulièrement dans le foot amateur. Vendroux a raconté son histoire comme un feuilleton… Footballeur et homosexuel: au coeur du tabou ne brille pas spécialement par sa forme, ses images, son rythme. Il a même tendance parfois à tomber dans les lieux communs. Il met cependant sur le tapis une question fondamentale en ces temps de sursauts haineux où l’homophobie fait plus que de la résistance. À voir certains dirigeants et joueurs se voiler clairement la face, jusqu’à prétendre qu’on devrait pouvoir la faire disparaître des pelouses vu qu’on a réussi à en éradiquer le racisme (stupeur et étranglement), le film était nécessaire. À défaut du président de la Fédération française Noël Le Graët qui a refusé d’y participer, Antoine Griezmann, Laurent Blanc, Guy Roux, Jean- Michel Larqué, Fabien Barthez, d’anciens entraîneurs et équi-piers, l’arbitre international Clément Turpin, le sociologue du sport Philippe Liotard ou encore Olivier Rouyer (le seul pro français à avoir réalisé son coming out, plusieurs années après la fin de sa carrière) interviennent dans ce docu d’utilité publique malgré ses défauts.

Julien Broquet

FAITES SORTIR LES FIGURANTS

Documentaire de Sanaz Azari. ****

Mercredi 15/5, 20h30, Be Ciné.

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Après Salaam Isfahan (2010) et I comme Iran (2014), le troisième documentaire de Sanaz Azari est un film à très haute teneur politique et poétique, qui plonge à la recherche de la partie invisible de l’iceberg cinéma pour questionner le faux, le vrai, le regard et l’image: « Je suis partie de la réflexion de la philosophe Marie-José Mondzain dans son livre Images (à suivre) (Bayard, 2011, NDLR ) sur les figurants. Il y avait un parallèle à établir avec la notion de peuple. Lorsque j’étais habilleuse pour l’opéra, à la Monnaie, j’étais fascinée par la manière dont les figurants pouvaient disparaître derrière leurs personnages.En lisant les annonces pour les tournages, j’ai réalisé que la description des figurants suivait les fractures sociales que j’observais dans le monde et les stéréotypes les plus répandus: des femmes africaines aux cheveux crépus, des hommes de type arabe et forcément barbus pour des métiers ingrats, des femmes de milieu populaire au visage marqué… » À la rencontre de ces représentations bourrées de clichés dont se repaît le cinéma, la caméra de Sanaz Azari traîne sur les lieux de tournage: un hall d’aéroport reconstitué, un hôpital, une piscine… Elle capte le ballet incessant, sur et hors du plateau, de ces éléments humains du décor. « Je voulais filmer le temps d’attente, reconstituer ces moments de suspension en marge des tournages, donner une part de fiction à ces gestes et ces rituels quotidiens des figurants. Je les ai montés en boucle pour trouver une forme de langage, une chorégraphie, une poétique à leurs actions stéréotypées. »

Le documentaire enfonce le clou dans sa seconde partie. Imperceptiblement, Sanaz Azari nous emmène du côté des migrants, et le parallèle saute littéralement aux yeux: l’attente, le piétinement, la fatigue, les masses aux visages et aux silhouettes interchangeables, aussi peu incarnées dans le regard que le monde leur porte que des mannequins sans visage. C’est l’immense mérite de ce film, certes pétri de contraintes matérielles, mais au propos limpide et vivifiant: il rend visible l’invisible, les invisibles, ceux qui sont entr’aperçus, mais jamais regardés. « Le cinéma offre une opportunité, une chance de changer le monde, mais il ne le fait pas. Il l’empire. Le système hiérarchique du cinéma est capable de rejouer le monde en pire. » Comme jadis la Nouvelle Histoire de Marc Bloch et Lucien Febvre l’ont fait pour la discipline historique, le film de Sanaz Azari rend un immense service au documentaire, au cinéma, et, partant, à la vision que l’un et l’autre forgent sur le monde. En détournant la caméra du sommet de la pyramide pour aller regarder la masse de celles et ceux qui le meuvent, Faites sortir les figurants les fait entrer en chair et en os, et par la grande porte, dans notre regard. Il était temps.

Nicolas Bogaerts

EASY RIDER

Road movie de Dennis Hopper. Avec Peter Fonda, Dennis Hopper, Jack Nicholson. 1969. ****(*)

Mercredi 15/5, 21h05, La Trois.

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Une date dans l’Histoire du cinéma! Et un sacré bon film! Easy Rider aura marqué, à la fin des sixties, une rupture avec le vieil Hollywood, et annoncé la vague du cinéma indépendant que les années 70 allaient voir monter irrésistiblement. Emblématique de la contre-culture (pas seulement hippie), ce road movie habité, inspiré, est l’oeuvre d’un jeune comédien passé à la réalisation. Dennis Hopper avait 32 ans. Il avait été le partenaire de James Dean dans La Fureur de vivre avant d’oser faire ses propres films. Il incarne dans Easy Rider un motard qui prend la route de Los Angeles vers La Nouvelle-Orléans avec un pote lui aussi biker, incarné par Peter Fonda. La vente d’une grande quantité de drogue a financé leur expédition vers un carnaval où ils projettent de s’éclater. Mais les choses prendront un tour imprévu, dans un film où joue aussi un autre jeune loup, Jack Nicholson. À voir et à revoir, une oeuvre électrisante, mythique, portée par le Born to Be Wild du groupe Steppenwolf. L.D.

BERLIN 59

Série créée par Sven Bohse et Annette Hess. Avec Claudia Michelsen, Sonja Gerhardt, Maria Ehrich. ***(*)

Jeudi 16/5, 20h55, Arte.

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Le premier volet de cette série allemande qui prend pour cadre le Berlin de l’immédiat après-guerre racontait le fragile vernis de modernité posé sur un pays scarifié par des années d’un nazisme pas complètement digéré ni éradiqué. Trois ans après Berlin 56, Berlin 59 suit sur le même mode le destin des soeurs Schöllack (Monika, Helga et Eva) et de leur mère Caterina, rythmé par le salon de danse familial, l’arrivée du rock, l’âge d’or de la télévision et le miracle économique ouest-allemand, corseté par les vieilles valeurs tenaces et hypocrites. Monika, feu follet féministe et victime expiatoire de ses propres désirs d’émancipation, poursuit une carrière d’artiste avec son compagnon musicien Freddy. Son âpre résistance face au patriarcat se fraie un chemin auprès de ses soeurs, dont le désir d’indépendance émerge peu à peu, dans un contexte de réindustrialisassion massive, d’émergence d’une société de consommation insouciante et de pérennité des bonnes valeurs familiales. Les fantômes (politiques ou personnels) ne sont jamais loin dans une société allemande en pleine rémission et déjà divisée. Écrite avec soin, reconstituant de manière un peu trop muséale l’ambiance du Berlin-Ouest à l’aube des années 60, Berlin 59 offre un regard contrasté sur la génération inaugurale des Trente Glorieuses. N.B.

AUDREY HEPBURN, LE CHOIX DE L’ÉLÉGANCE

Documentaire d’Emmanuelle Franc. ***(*)

Vendredi 17/5, 22h40, La Une.

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Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a levé des fonds pour la Résistance en se donnant en spectacle, transmis des messages et des prospectus illégaux planqués dans ses chaussettes, échappé de justesse à une rafle et failli mourir de malnutrition… Audrey Hepburn a pourtant toujours nié toute forme d’héroïsme. L’une des facettes, sans aucun doute, de son élégance. Sobre, fouillé, le documentaire d’Emmanuelle Franc tire le portrait d’une femme au passé tourmenté qui a incarné la joie de vivre aux yeux du monde entier. Un brin de fille né à Bruxelles dans un monde aristocrate à bout de souffle. Une actrice pétillante à laquelle la danse classique avait appris la grâce et la discipline. Le patronage de Colette, la comédie musicale, les bras de Fred Astaire. Ses rôles plus engagés et son accident de cheval sur le tournage d’un western (elle y perdit l’enfant qu’elle attendait)… L’histoire d’une comédienne qui a refusé West Side Story et que Truman Capote ne voulait pas pour son Breakfast at Tiffany’s. J.B.

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