Critique

[à la télé ce soir] Sexe et identité: au-delà de la binarité

© Günther Bigalke
Nicolas Bogaerts Journaliste

Ce remarquable documentaire fait le tour des sciences humaines et exactes pour ancrer dans le réel la manière dont se vivent les genres -la perception du « sexe social », correspondant ou non au sexe biologique-, leur fluidité et la transidentité.

Il éclaire en outre la mise en scène de la différence entre les sexes qui articule les stéréotypes de genre, représentations sur lesquelles se fondent nombre de pouvoirs. En clair, c’est une véritable révolution de société. Car au fond, que signifie être une femme, être un homme? Sur le spectre large de la réponse, on trouve de nouvelles et belles identités, parfois enfantées dans la douleur et le doute: il est possible de se vivre femme malgré l’assignation d’attributs au masculin, et réciproquement; de se positionner comme « non binaire » (hors de la dualité masculin/féminin), « gender fluid » ou même « agenre » (considérant l’idée de genre non pertinente). Les témoins qui s’expriment lèvent un coin de voile sur une réalité touchante, sincère et cruciale.

Menace des préjugés négatifs

Dans sa réflexion, le film d’Olaf S. Müller convoque des recherches scientifiques sortant du cadre culturellement prédéfini par le biais binaire. Olaf Hiort, généticien et endocrinologue, évoque l’attribution d’un sexe au foetus comme une arborescence dont les ramifications sont autant de passerelles possibles entre l’un et l’autre, sur un temps long. La neuropsychologue Annelies Kaiser et une de ses doctorantes quantifient les effets de « la menace des préjugés négatifs autour du genre » sur les capacités intellectuelles, les décisions, les émotions. Les normes sociales et les clichés (notamment sexistes) qui en découlent ont donc de puissants ancrages alors que chaque cerveau, chaque corps se dévoile à la science en mosaïque d’éléments « féminins » et « masculins » et que « la variabilité entre individus de même sexe l’emporte souvent sur la variabilité entre hommes et femmes« . Le philosophe Thierry Hoquet, lui, pose cette question: « Qu’est-ce qui s’oppose à la diversité de genres? » Que se passerait-il si on s’affranchissait de l’hétéronormé, comme le fait de plus en plus la nouvelle génération? Sans éviter les revers de médaille, la récupération médiatique, la souffrance, le débat sur les thérapies et les opérations de réassignation sexuelle, les inégalités, ce docu rythmé et pédagogique fait de la reconnaissance de ces nouveaux modèles d’identification une condition préalable à la viabilité de nos sociétés futures.

Documentaire de Olaf S. Müller. ****

Samedi 24/04, 22h15, Arte.

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