Critique

[À la télé ce soir] Projet Green Blood: journalisme reconstructif

© forbidden films/frenchkiss pictures
Nicolas Bogaerts Journaliste

Quarante journalistes internationaux, travaillant pour des médias parmi les plus prestigieux (Le Monde, El País, The Guardian, Süddeutsche Zeitung…) sont réunis au sein du réseau Forbidden Stories. Leur objectif: poursuivre les enquêtes de reporters menacés, emprisonnés ou assassinés à travers le monde, pour s’être intéressés d’un peu trop près aux questions environnementales, sociales, politiques et économiques liées au secteur de l’extraction et des matières premières. Depuis la France, le collectif représenté par Laurent Bouchard, Arthur Bouvart et Jules Giraudat reprend le flambeau et, six mois durant, relance les investigations et secoue l’omerta. En Tanzanie, c’est une compagnie minière qui tente d’étouffer les viols commis par des agents de sécurité en réduisant au silence les femmes qui en sont victimes. Le gouvernement est complice, dans un pays riche des composants nécessaires à la fabrication de nos téléphones portables. Au Guatemala, la plus grande mine de nickel d’Amérique centrale contamine les sols et met en danger les communautés du village d’El Estor. Carlos Choc, un journaliste maya poursuivi en justice par les exploitants, vit dans la clandestinité alors que la contestation est réprimée dans le sang… et l’indifférence. En Inde, depuis plus de 20 ans, des entreprises ont exporté illégalement des millions de tonnes de minerais de sable vers le reste du monde et la vie de la journaliste Sandhya Ravishankar, qui a révélé le scandale, ne tient qu’à un fil.

Le trois journalistes interrogent confrères et témoins, recoupent les sources, révèlent des scandales criminels dont les ramifications remontent aux sommets de l’État et de la hiérarchie judiciaire. Les quatre épisodes retracent avec un certain sens de la fiction dramatique le déroulé des enquêtes, depuis les premières réunions du collectif jusqu’à leurs conclusions et au stress du bouclage, débouchant sur une publication simultanée dans 35 médias à travers le monde. Rythmé comme un thriller policier, le Projet Green Blood appuie là où ça fait mal: le prix humain, écologique de notre mode de vie donne le tournis -ou la nausée. Sans pour autant céder à l’émotion, le détail des investigations, les témoignages des victimes, ouvriers, journalistes, activistes, des économistes et experts scientifiques, et les confrontations, en Europe ou aux États-Unis, avec les dirigeants de ces industries qui redessinent à leur guise les frontières de la légalité, constituent un document rare et puissamment interpellant.

Série documentaire de Jules Giraudat et Arthur Bouvart. ****

Mardi 3/3, 20h30, La Deux.

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