Critique

[À la télé ce soir] Perry Mason

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Nicolas Bogaerts Journaliste

La nouvelle d’un reboot par HBO de la série diffusée de 1957 à 1966, puis de 1985 à 1995 a soulevé plus d’un sourcil. Mais cette nouvelle mouture est un peu plus qu’un simple reboot: une réinvention mélancolique, sombre et complexe.

Entre 1957 et 1966, puis de 1985 à 1995, la figure de Perry Mason, incarnée par le carré Raymond Burr, a imposé la fiction procédurale et judiciaire à la télévision, aux heures de grande écoute… ou de la sieste dominicale. Figure impassible et monolithique mais douée d’une intelligence sociale peu commune, le brillant avocat de Los Angeles n’avait pas son pareil pour extirper les aveux des coupables au moment les plus fatidiques, sauvant des innocents, accusés à tort, d’une injustice criante.

La nouvelle d’un reboot par HBO de cette série basée sur les écrits du romancier Erle Stanley Gardner a soulevé plus d’un sourcil. Or, la nouvelle mouture signée par les créateurs de Friday Night Lights et Boardwalk Empire est un peu plus qu’un simple reboot: une réinvention mélancolique, sombre et complexe. Et réussie. Réalisée par Tim Van Patten (Les Soprano…), produite par le couple Downey Jr., la série replonge en 1932, alors que la Grande Dépression jette des milliers de pauvres dans les rues et les contre-allées de Los Angeles. Remontant aux origines de la vocation justicière de l’avocat Perry Mason, on le découvre détective privé à la petite semaine, chiffonné comme un vieux mouchoir, alcoolique et dépressif, souffrant d’un syndrome post-traumatique, souvenir des tranchées françaises de 1917 et d’un divorce douloureux. Son ancien mentor, E.B. Jonathan, le rappelle auprès de lui et de son assistante Della Street pour élucider le mystère de l’enlèvement et du meurtre d’un nouveau-né, dont les parents, affiliés à une secte évangélique médiatique, se retrouvent sur le banc des accusés.

Dans cette intrigue policière solide et retorse, qui caresse les codes du roman noir et rend hommage, dans ses cadrages, à Edward Hopper, HBO revisite les obsessions habituelles: bigoterie, flics ripoux, racisme, émancipation féminine, inégalités du rêve américain. Matthew Rhys (The Americans) est épatant dans sa réinvention de Mason en clown triste, la moue imperturbablement tirée vers le bas. Il incarne la figure du détective surdoué, mais brisé, un juste dans un monde voué au chaos (voir Harry Ambrose de The Sinner ou, dans une version plus mystique, Rust Cohle de True Detective). Derrière lui, un casting impressionnant délie des dialogues mitonnés au gré des lenteurs et des ruptures du récit. Malgré certains trous dans le scénario et quelques rebondissements un peu faciles, ce Perry Mason-là ne vous laissera pas sombrer dans la sieste.

Minisérie créée par Rolin Jones et Ron Fitzgerald. Avec Matthew Rhys, Tatiana Maslany, John Lithgow. ****

Lundi 22/06, 21h00, Be 1.

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