Francofolies J5: et le sexe dans tout ça?

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Avec Blanche, belle et charnelle, Catherine Ringer, théâtrale et complètement viscérale, Arid qui fait un concert musclé et Inna Modja dans un plan qui incarne une sexualité immanente.

Première image du dimanche après-midi: sur un écran dans la rue principale qui traverse Spa, Inna Modja. La caméra qui capte la jeune malienne de France dans le Village Francofou, remonte vertement des chaussures aux jambes dans un plan qui incarne une sexualité immanente. En tout cas le capital non verbalisé de la musique qui, faut-il vraiment le rappeler, de James Brown à Otis Redding, de Patti Smith à Tina Turner, de Lady Gaga à Madonna, n’existerait pas sans le désir, le cul, la tendresse, la séduction, ou éventuellement juste les versions marketing de tout cela. Bref, ce premier plan de la chanteuse ébène avait quelque chose de terriblement attirant, même en-dehors de tout son: ô la magnifique muette!

Aux anges

Hormis cette considération dont on assume l’éventuel machisme, on signale qu’une sorte de beau temps ensoleillé s’est incarné sur Spa, même si la température dépasse à peine les vingt degrés. Ah oui, la sexualité? Un bon exemple avec le concert d’Arid au parc Francofou: on n’est pas sûr que le grand air de fin d’aprem soit idéal pour la musique des gantois, leur rock filandreux a pris de la testostérone -pourquoi pas?- mais banalise la personnalité vocale du chanteur Jasper Steverlinck. A ses débuts, ce mec, plus jeune, plus fluet, avait quelque chose d’angélique -et c’est bien connu, on ne connaît point le sexe des anges- dissipé en cours de route en même temps qu’un peu de mystère. Ce qui n’empêche pas quelques fans des premiers rangs de débiter les paroles au mot près: Arid est un bon groupe et son concert est musclé, point barre. Un peu plus loin, Oldelaf, dans un Dôme bondé, montre que l’humour est aussi une puissante arme de séduction agissant d’égale manière sur les hommes et les femmes.

Beau et charnel

On a beaucoup parlé de l’anglicisation des Francos -une tendance qui ne séduit pas tout le monde- mettant un peu de côté la qualité et la diversité des interprètes féminines présentes qui, à l’exception de Selah Sue, font vibrer la langue française: L, Barbara Carlotti, Anaïs, Maia Vidal, Sophie Galet et puis Blanche. Stéphanie Blanchoud, dans le civil, a troqué sa brunitude source pour une nouvelle blondeur oxygénée et un répertoire moins rive gauche après deux albums sortis dans les années 2000. Là, en première partie de Sheller, Blanche (…) visite un univers plus rock, tissant une reprise ralentie et sexuée de Oops! I Did It Again (Britney Spears) -où elle sonne comme un mix d’Alela Diane et d’Alison Krauss- et ses propres nouveautés dans la langue première de Brel, Ferré et Brassens. Six titres ont été enregistrés aux Etats-Unis avec Robert Carranza, ingénieur du son et producteur, entre autres, de Jack Johnson… Du coup, bye bye le classicisme de la chanson tradi pour un répertoire où l’acoustique naturelle vient percuter, par exemple, les interventions dissonantes au violoncelle de Jean-François Assy, entendu chez Bashung, Darc et Daan. C’est beau et charnel, on en reparle très certainement.

Maternelle Ringer

Alors, si cette édition 2012 marque un léger tassement public -elle a finalement attiré 160.000 spectateurs, 20 ou 25.000 de moins que l’année dernière- elle peut aussi être considérée comme un terrain de jeu où le grand mélange actuel des styles, a été poussé un peu plus loin qu’à l’accoutumée. Ce décadrage volontaire -ou étendue du champ sémantique…- est, au final, une bonne chose, l’éventuelle déception venant sans doute du peu de renouvellement des têtes d’affiche au rayon chanson française. L’une des grosses vedettes incontestées de l’événement étant l’acteur d’une série US, fringué en chanteur bluesy (Hugh Laurie/Dr House), ce qui en dit long sur le public des Francos, en tout cas celui de la scène Pierre Rapsat, amateur de choses populaires. Mais les Francos captent un marché, elles ne l’inventent pas… C’est pourtant parfois dans les vieilles marmites qu’on fristouille les plus toniques potions. Jean-Louis Aubert en conclusion sur la Place de l’Hôtel de Ville? Peut-être, mais on pense d’abord à Catherine Ringer, théâtrale et complètement viscérale sur la scène Proximus du Village Francfou. Devant un beau rassemblement, la moitié non défunte de Rita Mitsouko, habillée d’une bluffante robe signée Jean-Paul Gaultier, fut à la hauteur de son plumage. Vociférante et funky, maternelle et sensuelle, culottée dans l’égrenage de son premier album solo paru l’année dernière et des über-classiques des Rita. A ses côtés, un jeune guitariste fougueux, frange sous chapeau melon, riffs généreux, Raoul Chichin, fils de la moitié historique Fred, mort en 2007. La (bonne) musique a été transmise à la génération suivante, c’est comme ça.

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