Critique

Les Bien-aimés

COMÉDIE DRAMATIQUE | Christophe Honoré signe son meilleur film avec ces Bien-aimés où une émotion profonde subvertit la légèreté des premières minutes.

Il s’était posé en héritier potentiel de Jacques Demy en réalisant, voici 4 ans, Les Chansons d’amour. Ce concept du cinéma « en chanté », certes réduit à des séquences particulières dans un film par ailleurs parlé « normalement », Christophe Honoré l’avait bien entendu emprunté à son remarquable aîné, breton comme lui et dont Les Parapluies de Cherbourg (1964) et Les Demoiselles de Rochefort (1967) ont porté à ses sommets, d’emblée, cette réinvention française et personnelle du « musical » américain. Dans Les Bien-aimés, nouvelle expérience du même type du prolifique Honoré, il y a Catherine Deneuve. Comme dans les 2 films précités de Demy… En plus, il y a aussi la (vraie) fille de la première star française: Chiara Mastroianni. Et le personnage de la grande Catherine se voit dédoublé, une Ludivine Sagnier plus caméléon que jamais l’incarnant dans ses années de jeunesse…

Tout commence de surcroît au début des sixties, dans un Paris où un ballet de souliers évoque celui des parapluies dans le plus fameux film de Jacques Demy. C’est que l’héroïne, Madeleine (Ludivine Sagnier), est employée chez un chausseur de luxe, et dérobe une paire d’escarpins qui seront ses bottes de sept lieues à elle. Ils lui vaudront, suite à un malentendu, de s’essayer à la prostitution. Un jeune client, étudiant pragois en escapade parisienne, prendra son coeur et son corps, entamant une passion brûlante, inextinguible, qui survivra au mariage raté des amants, puis au mariage de raison de Madeleine avec un officier de gendarmerie français. Une passion qui aura pour fruit un enfant, une fille: Véra. Laquelle vivra aussi, bien plus tard, une autre histoire d’amour compliquée, dans le Londres des années 2000…

État de grâce

Alex Beaupain signe les chansons des Bien-aimés, après avoir écrit et composé celles des Chansons d’amour. Il a de belles tournures comme ce « Les filles légères ont le coeur lourd » qui exprime bien la vérité du film de Christophe Honoré: frivole en surface, poignant en profondeur, avec une mélancolie assumée qui rend cher et très attachant un spectacle qu’on avait pu prendre pour une bulle légère, l’espace d’une demi-heure. Il a fallu pas mal d’audace au cinéaste pour assumer cette fausse piste plus de temps qu’il n’en faut trop souvent aux spectateurs pour juger ce qu’il a sous les yeux. Mais Honoré a trouvé dans Les Bien-aimés l’état de grâce qui lui fit défaut dans plusieurs autres films. Et les 2 ou 3 choses qu’il nous dit de l’amour, par-delà les trajectoires de ses personnages, n’ont pas souvent été dites avec autant de talent.

Si le film nous captive et nous touche autant, c’est aussi par l’interprétation. Catherine Deneuve a rarement été aussi vraie, aussi proche. Et Ludivine Sagnier joue fort bien le même personnage à 20 ans. Chiara Mastroianni, dans un rôle aux accents tragiques, nous rappelle qu’elle peut être une actrice passionnante. Côté hommes, si Louis Garrel reste dans la ligne de ses (nombreuses) précédentes apparitions chez Christophe Honoré, la surprise vient de Milos Forman, très convaincant face à Deneuve dans leur duo d’amants terribles. Et surtout du totalement inattendu Michel Delpech, admirable en mari trompé recelant une force intérieure aussi impressionnante qu’insoupçonnée.

Louis Danvers

LES BIEN-AIMÉS, COMÉDIE DRAMATIQUE DE CHRISTOPHE HONORÉ. AVEC CATHERINE DENEUVE, CHIARA MASTROIANNI, LUDIVINE SAGNIER. 2 H 15. ****

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