La Dynamo, T.1: fatras cérébral

RECUEIL | Autrefois directeur artistique pour blockbusters hollywoodiens, La Grenouille Noire revient à l’essentiel et publie ses planches BD tous azimuts.

La Dynamo. Le catalogue paradoxal de Dynamo Grafika (T.1), de La Grenouille Noire, éditions Ankama. ***

Librairie Brüsel, à 2 pas de la Bourse, par une après-midi ensoleillée. Igor-Alban Chevalier, alias La Grenouille Noire, dédicace le premier tome de sa revue fourre-tout, camouflé dans une immense barbe et un épais caban noir. « La plupart des fringues que je porte sont plus vieilles que moi », explique le dessinateur, en phase avec son alter ego batracien. Au sommaire de sa Dynamo, judicieusement surtitrée « bandes dessinées et fatras cérébral »: Stone Monkey, roman graphique et philosophique prévu en 9000 pages au double format à l’italienne improbable (l’illustration); Maggot, récit fifties jouant subtilement avec la mort; ainsi que de nombreux collages, croquis, essais avortés, et même jouets… Le désordre est suffisamment organisé pour demander plus d’explications à son auteur.

Ton travail est très trans-genres: ni vraiment BD, ni bouquin, ni magazine, mais un grand melting-pot. Pourquoi une telle démarche?

Je m’emmerde très vite à ne faire qu’un seul truc. Ce qui est important pour moi, c’est de raconter une histoire: le medium utilisé n’est pas important. La Dynamo, c’est la réponse à un questionnement qui a été le mien pendant des années: comment est-ce que je peux, dans un même format, exprimer toutes mes envies? Honnêtement, il n’y a pas d’autre moyen. J’ai toujours été plus créatif dans un bordel.

Tu as longtemps travaillé sur des superproductions américaines (X-Men, Harry Potter…) comme directeur artistique…

Tout ce que je fais aujourd’hui est né de la frustration de n’avoir travaillé que pour le cinéma pendant des années et de ne pas avoir été capable de montrer mes illustrations. La frustration de voir que, quand j’arrive à raconter des histoires sur des petits formats comme dans Les Carnets de la Grenouille Noire, ce n’est pas très impressionnant au niveau du dessin. J’ai tellement de styles différents -dans le cinéma, tu dois être polyvalent- qu’il me faut un gros bac pour pouvoir mettre tout dedans. La meilleure façon, c’était de sortir ce magazine pour pouvoir exhiber les 25 styles et 253 envies que j’ai…

Et pour recommencer à zéro?

J’essaie de bosser de moins en moins « pour » des gens, et de plus en plus « avec » des gens que je choisis moi-même -et donc des amis. Je veux arrêter d’être le petit soldat grouillot qui travaille pour les autres. J’en ai assez fait et ça ne m’apporte pas grand chose à part de l’argent. Autant bosser avec moins d’argent sur des projets qui me remplissent l’âme que sur des projets à gros budgets qui, au final, te sucent jusqu’à la moelle.

Un point commun entre tes différentes histoires, c’est un certain cynisme…

C’est un humour qui fait partie de moi. Tout est sujet à rigolade, il faut arrêter de se prendre la tête. Tout est grave et rien ne l’est en même temps. Je ne sais pas si tu le sais, mais on va tous crever… Il y a des gens qui y pensent tout le temps, d’autres qui n’y pensent jamais parce que ça les rend tristes, et puis il y a ceux qui s’en foutent. Je fais plutôt partie de la 3e catégorie. Amusons-nous jusqu’à ce que ça nous arrive, peut-être que ce sera drôle après…

Kevin Dochain

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