Un taxi pour l’enfer, de la torture pratiquée par l’Oncle Sam

© US Government

Torture, barbarie, humiliations: dans leur quête effrénée de démocratie, les Etats-Unis oublient parfois de s’appliquer leurs préceptes à eux-mêmes. Un documentaire édifiant sur la déshumanisation des victimes, mais aussi des bourreaux.

Ames sensibles, s’abstenir. Sensibles, mais pas uniquement aux images chocs que ce documentaire empile par moments. Plutôt sensibles à ce qui fait de l’homme un homme, à ce qui le sépare de la bête. C’est cette limite que le film d’Alex Gibney, primé en 2008 aux Oscars, se propose d’évoquer en filigranes. De quoi l’homme est-il capable quand il se trouve confronté à une situation de guerre, de fraternité guerrière, de pression des supérieurs ou, plus prosaïquement, quand il se retrouve à devoir obtenir des informations dans une prison plantée sur une île, ou en plein désert?

De Bagram à Abou Ghraib, en passant par Guantanamo, le traitement infligé aux prisonniers de la « guerre contre la terreur » est relaté ici avec force intervenants et images d’archive. Et ça donne envie de se révolter, ça fait mal aux tripes, sincèrement. Dilawar, le jeune taximan afghan qui prête son nom à l’intitulé du documentaire, a vécu des tortures inimaginables avant de décéder: accroché par les poignets à des menottes fixées au plafond, il a reçu tellement de coups de genou dans les jambes que s’il avait survécu, il aurait dû être amputé.

Déshumanisation

Les dispositifs de la torture américaine sont pourtant davantage axés sur la psychologie, la déshumanisation, la privation sensorielle et l’humiliation, mais quand les soldats ont envie de se défouler, les corps adverses, même innocents (le taximan n’avait manifestement rien à voir dans le terrorisme) offre un matériau brut de choix.

Cela dit, même si ce remarquable documentaire, fouillé et froid comme une lame de rasoir, parle des agissements américains, sa vocation se veut bien évidemment plus universelle. Ca se saurait si les bras armés de l’Oncle Sam étaient les seuls à déraper dans une pièce fermée, en temps de guerre. Mais il est néanmoins question d’un gouvernement, chantre de la démocratie, qui se sent tellement puissant qu’il peut bafouer la Convention de Genève sans même se soucier du qu’en dira-t-on. Puissant, révoltant et bien ficelé. A voir.

Un taxi pour l’enfer, 20.40 sur Arte.
Documentaire d’Alex Gibney.

Guy Verstraeten

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