Critique | Musique

Chronique CD: Eminem – The Marshall Mathers LP 2

Eminem © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

HIP HOP | Treize ans après, Eminem donne une suite à The Marshall Mathers LP. Attendue, parvois convenue, mais aussi drôle et prenante. Comme quoi, Marshall still matters.

Chronique CD: Eminem - The Marshall Mathers LP 2

Le moins que l’on puisse dire, c’est que son passage d’août dernier au Pukkelpop n’avait pas rassuré. Amaigri, le regard vide, supporté par un maximum de bandes pré-enregistrées, Eminem n’avait pas amusé grand monde. La grande broyeuse du succès aurait donc encore frappé. Too much too fast: d’Elvis à Michael Jackson, l’Amérique a toujours eu le don de célébrer les self-made winners tout en les poussant toujours plus vers la dépression et l’isolement. De 2002 à 2008, le rappeur de Detroit s’est ainsi enfoncé dans la déprime, bourré d’anxiolytiques, frôlant même la mort après une overdose de méthadone… En 2009, Relapse avait signé son retour aux affaires. Un an plus tard, Recovery faisait encore mieux. L’album avait beau être par moments des plus poussifs, il signa l’un de ses plus grands succès. Mis sur orbite par le single Love The Way You Lie (merci Rihanna!), le disque sera le plus vendu de 2010, s’écoulant au final à plus de dix millions d’exemplaires…

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Eminem au Panthéon

Pas mal donc pour un mort-vivant, rappeur soi-disant tricard, dépassé par la nouvelle génération. Eminem prouvait qu’il comptait toujours dans le rap game. A défaut de vraiment convaincre sur le fond… Surtout, après les disques du rétablissement, quelle histoire allait donc pouvoir encore raconter le père Slim? La réponse, roublarde, est tombée avec The Marshall Mathers LP 2, 8e album du bonhomme, présenté comme la suite (dites sequel) de son chef-d’oeuvre éponyme, sorti en 2000. Le disque démarre d’ailleurs avec Bad Guy, prolongement de Stan, le fameux duo tubesque avec Dido. La pochette est également identique: une photo de la maison en bois dans laquelle le rappeur a grandi. Cette fois-ci, l’intéressé a toutefois disparu de l’image -comme si la page d’une enfance pas franchement rose avait été définitivement tournée? La nostalgie reste pourtant l’un des moteurs principaux de The Marshall Mathers LP 2. Les « clients » habituels du rappeur sont bien de la revue: le père absent (Rhyme or Reason), les relations compliquées avec la mère (Headlights, dont la batterie rappelle le Mother de John Lennon), sa femme (Stronger Than I Was)… Plus encore, c’est par rapport au hip hop même qu’Eminem réclame son dû. De Survival à Rap God en passant par Legacy, le rappeur insiste, tout en multipliant les citations, voire hommages à ses collègues: A Tribe Called Quest, Beastie Boys (Berzerk), Kanye West, Public Enemy…

The Marshall Mathers LP 2 tient-il pour autant la comparaison avec son prédécesseur? Il n’a en tout cas pas à en rougir. Certes, les diatribes d’Eminem n’ont plus le même tranchant qu’il y a quinze ans. A force, la mise en scène de ses tourments tourne ainsi à vide, frôlant la recette -comme quand il réinvite Rihanna, caricaturale sur The Monster. Mais le flow reste toujours aussi éblouissant (Rap God). Et quand il se détend, le rappeur de Detroit prouve qu’il peut encore être drôle et inspiré, à l’instar de So Far… ou Love Game (avec l’incontournable Kendrick Lamar). « I’m not a rapper/I’m an adapter », affirme Eminem dans Survival. Darwin et la théorie des espèces pour durer dans le rap: il suffisait d’y penser…

  • EMINEM, THE MARSHALL MATHERS LP 2, DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

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