FIFI: « Le cinéma belge francophone doit être plus audacieux »

Le Festival International du Film Indépendant s’est clôturé dimanche. Après cette semaine bien chargée, Robert Malengreau, directeur du festival, nous donne son avis sur le palmarès, dévoilé lundi, et raconte la genèse d’un festival qui ne peut cesser n’exister.

Directeur et fondateur du Festival du film indépendant depuis 38 ans, Robert Malengreau est un idéaliste passionné par son boulot, qui croit en l’avenir du cinéma indépendant. Il revient sur cette dernière édition du festival et nous parle aussi d’un cinéma belge francophone qui a tout à envier à son pendant flamand.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer ce festival?

En 1974, à l’époque où le festival a été créé, apparaissaient des moyens de production légers comme le Super 8 d’abord, et puis toutes des nouvelles technologies, en partant du VHS jusqu’à aujourd’hui, avec l’arrivée des caméras digitales. Le festival a toujours été basé sur des formats « low budget » qui permettaient à n’importe qui de faire un film. Depuis, il a terriblement évolué, il s’appelait d’abord le festival du Film Super 8, puis le Mondial de la Vidéo puis le Festival International du Film Indépendant. On a finalement choisi ce nom là car on s’apercevait de plus en plus qu’on allait de vers des gens qui voulaient absolument s’exprimer par un film et donc qui s’autoproduisaient. Bien que maintenant ça s’élargisse un peu et que beaucoup de producteurs acceptent de financer ces jeunes qui veulent s’exprimer.

Pourquoi est-ce important de soutenir ces productions indépendantes?

Il faut savoir qu’on produit plus de 3500 à 4000 longs-métrages de fiction dans le monde, par an. Et en Belgique, bon an mal an, il y en a peut-être 300 qui sont vus. Imaginez donc le nombre de films que nous ne voyons pas! Le festival s’efforce de montrer, une petite partie certes, mais une partie quand même de ces films que nous considérons de qualité. Parce que malgré la quantité de films qui sortent sur les écrans par an, nous ne voyons pas de cinéma dit mondial. Il est essentiel de soutenir les films indépendants parce qu’ils sont le futur. Prenez Spielberg: il a aussi commencé par des petits films et des Super 8, et maintenant, c’est un grand réalisateur reconnu. De plus, produire un film aujourd’hui, c’est très difficile. Ceux qui sortent des écoles de cinéma ont du mal à produire leur premier long métrage et ils le font souvent eux-mêmes ou trouvent un producteur dit indépendant pour le faire. C’est donc pour toutes ces raisons qu’il faut les soutenir.

Comment vous choisissiez le pays vedette et la programmation du FIFI?

Au fur et à mesure des années, nous essayons de voir quels sont les pays émergeants dans le monde du cinéma, et où il y a une production qui naît, à coté d’une production plus commerciale. On se tourne vers des pays dont on ne parle jamais. Par exemple, on a montré durant le festival des productions de la Thaïlande ou de l’Indonésie et, avant ça, les gens se demandaient s’il y avait des films qui se faisaient là-bas. Il est clair que le cinéma est entrain de se développer dans ces pays d’Asie, et le festival se doit de le montrer au public. Quant à la Nouvelle-Zélande, le pays à l’honneur cette année, on s’est rendu compte qu’elle avait une production indépendante florissante alors qu’on n’en voit rien! Pas un film néo-zélandais indépendant ne sort chez nous. Alors qu’ils en produisent entre 50 et 100 par an! Idem pour l’Inde: à part Bollywood, on ne voit rien du cinéma là-bas. Et quand en un coup un film indépendant sort du lot et est montré au public, les gens en tombent par terre.

Est-ce que le palmarès reflète bien l’ensemble des films projetés cette année et l’esprit du festival?

Oui, tout à fait. Je ne me mêle absolument pas aux décisions du jury, je ne décide pas, mais ils se sont tous mis d’accord et je pense qu’ ils ont fait les bons choix. Et cette année je suis allé chercher Hafsia Herzi parce que je me suis dit que ça serait bien d’avoir dans le jury une jeune comédienne qui, pour l’instant, monte terriblement. Elle s’est révélée impeccable, elle a été épatée de voir autant de films d’horizons différents. Parmi le palmarès, il y a un film, entre autres, dont je suis ravi qu’il ait gagné un prix: Matariki. Une merveille. C’est un film formidable sur la culture maorie.

A l’heure où Hollywood est plus que prolifique en matière de blockbusters et comédies, pensez-vous que les films indépendants ont encore un avenir?

Oui, plus que jamais, je crois que le renouveau viendra des films indépendants. Et Hollywood, qui n’est pas stupide, va justement parfois fouiller dans ces films là. Et même les jeunes cinéastes qui travaillent pour des grosses productions là-bas, pour se faire la main, pensent à faire leurs propres films de leur côté. Le futur vient de ces jeunes créateurs: j’en ai accueilli certains au festival et ils pensent déjà à leur prochaine production. C’est ça aussi qui est bien au festival, ces gens se parlent, prennent contact entre eux: producteurs, réalisateurs, acteurs… Ils s’encouragent.

Le FIFI met aussi le cinéma belge à l’honneur. Quelle est sa place aujourd’hui dans l’industrie selon vous?

Il est plus vivant que jamais. Bien qu’il pourrait être plus audacieux, selon moi. Enfin, on en a encore fait la démonstration cette année: du côté francophone en Belgique c’est formidable ce qui se fait, mais du côté flamand, de plus en plus aussi. Il y a un vrai nouveau cinéma néerlandophone qui se développe, on ne peut pas le nier. La preuve est que cette année le prix du meilleur film a été attribué à un court-métrage flamand (Badpakje 46, ndlr.) Je pense que le cinéma francophone ne doit pas se reposer sur ses lauriers et regarder ce qui se fait dans le Nord. Et c’est dommage car ce n’est pas encore trop le cas. Au festival, certains nous reprochent le fait qu’on projette des films flamands en disant: « C’est un festival francophone! » Et moi je leur réponds que nous montrons les films de tout le monde, de toutes les régions, sur le même pied d’égalité.

J.M. (stg)

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