Critique | Livres

Automne

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

RÉCIT | Après avoir exalté le charme indicible et le potentiel poétique d’un dimanche ordinaire, l’Anglais Jon McNaught poursuit son exploration des petits riens dans ce nouvel album bien de saison.

DE JON MCNAUGHT, ÉDITIONS NOBROW, 64 PAGES. ***

RÉCIT | Après avoir exalté le charme indicible et le potentiel poétique d’un dimanche ordinaire, l’Anglais Jon McNaught poursuit son exploration des petits riens dans ce nouvel album bien de saison. Fidèle à son approche flottante de la réalité, il nous dépeint ici la vie d’une petite ville de banlieue sans histoire, Dockwood, à travers les faits et gestes les plus anodins de deux personnages qu’on dirait choisis au hasard. Le premier travaille dans une maison de repos. On le suit tout au long de sa journée, entre les cuisines où il fait la vaisselle et donne un coup de main, les chambres où il sert le café et la salle à manger où se retrouvent les pensionnaires pour le repas. Rien de bien palpitant, pas d’intrigue ni de rebondissement, à peine quelques paroles échangées avec sa collègue et les seniors. Et pourtant, cette succession d’instants insignifiants finit par vibrer, élevant la banalité vers des cimes émotionnelles. Comme si ce patchwork de gestes répétitifs, de moments d’ennui, d’images aperçues à la télé et de scènes avec des animaux du coin s’adressait en langage codé à notre cerveau reptilien. L’imbibant d’une sensation de douce mélancolie qui rappelle les envolées contemplatives du cinéma japonais. Avec le même détachement, la seconde partie colle aux basques d’un ado qui sort du bahut, fait sa tournée de livraison de journaux avant de s’enfermer dans sa chambre pour jouer à un jeu vidéo. L’absence d’histoire pourrait finir par lasser si McNaught n’excellait dans l’art du silence, glissant l’air de rien du mystère dans les interstices. Et puis, pour capter l’attention, il dispose d’une autre arme: un graphisme vintage épuré doublé d’une palette aux couleurs sourdes dans lesquels il cisèle ses petites vignettes et quelques planches plein cadre splendides. Une esthétique plus proche du murmure que du tape-à-l’oeil. Et à laquelle n’est pas resté insensible le grand Chris Ware, qui voit dans cette décoction automnale « l’une des plus belles odes à la beauté simple de la vie ».

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