Critique

Meek’s Cutoff (La Dernière piste)

WESTERN | Michelle Williams illumine Meek’s Cutoff, le film de Kelly Reichardt, de sa présence mélancolique, masque fragile pour détermination farouche. À l’image d’un parcours assurément peu banal, qui l’a vue passer de Dawson’s Creek au meilleur du cinéma indépendant américain.

MEEK’S CUTOFF, WESTERN DE KELLY REICHARDT. AVEC MICHELLE WILLIAMS, PAUL DANO, BRUCE GREENWOOD. 1H42. SORTIE: 16/05. ****

Il y a, dans les films de Kelly Reichardt, la perspective, lointaine si pas chimérique, d’un horizon plus accueillant. Après Wendy & Lucy (1), road movie sensible qui envoyait Michelle Williams et son chien sur les routes de l’Amérique, à la rencontre des hobos d’aujourd’hui en attendant d’hypothétiques lendemains plus souriants, voilà que la réalisatrice s’intéresse à un petit groupe de colons, engagés dans la quête d’un fort modeste eldorado. L’action se situe en Oregon, en 1845, quand trois familles ont décidé de confier leur sort à un trappeur (Bruce Greenwood), ainsi qu’à Dieu, naturellement, pour les guider à travers les montagnes des Cascades.

Plastronnant jusqu’à la suffisance, et prétendant connaître un raccourci, l’homme conduit bientôt cette troupe chétive sur une piste non tracée, au beau milieu de hauts plateaux désertiques. Pour aussi sûrement s’égarer, livrant la poignée d’émigrants à une contrée hostile, sans autre perspective immédiate que la faim, la soif et la peur, n’ayant plus que leur foi en quoi se raccrocher, à défaut d’avoir encore une confiance aveugle en leur guide défaillant. Circonstances extrêmes qui vont avoir le don de révéler les un(e)s et les autres. Et prendre un tour nouveau lorsque leur route croisera celle d’un Indien énigmatique (Rod Rondeaux), rencontre qui va cristalliser les divergences apparues au coeur de la petite communauté…

L’on n’attendait guère, a priori, Reichardt sur le terrain du western, elle dont les films précédents s’inscrivaient dans un vacillement tout contemporain. A l’autopsie, Meek’s Cutoff entretient pourtant un lien étroit avec ceux-là: redessinant la cartographie d’un genre éprouvé, jusqu’à le décliner largement au féminin, la réalisatrice l’emmène aussi du côté du road movie existentiel, en une filiation par ailleurs limpide. Cela posé, c’est bien d’un western qu’il s’agit, dont la cinéaste a, du reste, préservé le cadre, imposant, assorti d’un sens aiguisé de l’espace. Mais plus que vers la mythologie, c’est vers l’authenticité que tend son film, et les gestes d’un quotidien harassant, accaparant hommes et femmes dans leur aléatoire progression.

S’il y a là un parti pris austère, voire rachitique, Meek’s Cutoff n’en atteint pas moins à une suffocante beauté, autant qu’à une résonance troublante, le film réussissant encore le tour de force d’être une métaphore à la fois des années Bush et des années Obama. Non sans, et c’est là ce qui en fait aussi le prix, inscrire son propos au coeur de destins humains auxquels les Michelle Williams, Will Patton et autre Paul Dano confèrent une frémissante autant que bouleversante intensité.

J.F. PL.

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(1) PASSÉ QUELQUE PEU INAPERÇU LORS DE SA SORTIE, LE FILM RESSORT JUDICIEUSEMENT À FLAGEY PARALLÈLEMENT À MEEK’S CUTOFF.

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