L’Illumination de King Alkan

Erol Alkan © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

DJ superstar, remixeur prisé, pote des frères Dewaele avec qui il partage la même boulimie musicale, Erol Alkan vient de sortir son… premier EP intitulé Illumination. Portrait avant son passage bruxellois au Libertine/Supersport vendredi soir.

Mi-janvier. A l’autre bout du fil, Erol Alkan est en studio: « On termine le mastering du nouvel album des Klaxons »… Pour peu, on se croirait revenu en plein dans les années 2000. Comme quand Myth of The Near Future, le premier album des pouet pouet anglais sorti en 2007, était supposé tout renverser sur son passage. Mieux: devenir le Nevermind de la génération fluo. Celle qui, dans la foulée de l’électroclash, mélangeait tout, tout le temps -rock, électro, hip hop, metal, dubstep… Quelques années avant, déjà, les 2ManyDJ’s avaient bien réussi à faire danser ensemble les Stooges et les rappeuses de Salt-N-Pepa, Destiny’s Child et Ten CC. Depuis, l’iPod est resté en mode shuffle. Le grand mix perpétuel, la marmite qui bouillonne.

Cette petite révolution des esprits, Erol Alkan l’a vécue en direct. Il s’est même retrouvé au coeur du grand chambardement. On lui doit notamment le bootleg mélangeant Can’t Get You Out of My Head de Kylie Minogue et Blue Monday de New Order. Il tiendra également les rênes des soirées Trash, club londonien où passeront LCD Soundsystem, Bloc Party ou encore les… Klaxons. Au rayon remix, il a fait un sort aussi bien à Justice qu’à Metronomy, Tame Impala ou Franz Ferdinand. A une époque où les DJ’s sont devenus les nouvelles stars, c’est malgré tout derrière les platines qu’Alkan va surtout briller (il est élu DJ de l’année en 2006 par Mixmag). Il peut remercier ses parents: quand le gamin était un peu trop turbulent, il se retrouvait enfermé dans le bureau où étaient stockés le tourne-disque et la collection de 33 tours domestique. Erol ne sait pas encore lire, mais pose déjà l’aiguille sur le vinyle… La sélection familiale est éclectique. Né dans la capitale anglaise en 1974, de parents d’origine turco-chypriotes, Erol Alkan explique: « J’ai toujours entendu un peu de tout à la maison: des disques de folk seventies, de la musique traditionnelle turque, de l’électropop dans les années 80… Le premier groupe dont j’ai été fan, cela devait être Madness, avant que je tombe amoureux des Smiths… »

Rock it

Fin 2013, Erol Alkan sortait une vidéo pour son morceau A Hold On Love. Des images de campagnes anglaises, accompagnées en sous-titres du récit d’un quidam, racontant sa première sortie en rave. Cela ne reflète pas forcément l’itinéraire d’Alkan, plus indie kid que gobeur d’acide dans une free party bucolique. Avant d’être renversé par les Chemical Brothers et de sortir aux soirées Wall of Sound à the End, Erol Alkan a surtout été remué par… Nirvana. « Mon background est d’abord rock. La première fois que je suis vraiment sorti en boîte, à 17 ans, c’était près de chez moi, au Dome. Ils passaient pas mal de guitar music. Je me rappelle avoir entendu Lithium et en avoir été vraiment chamboulé. J’avais l’impression d’être chez moi. C’était la première fois que je ressentais ce sentiment d’appartenance, de communauté. »

Aujourd’hui encore, ne demandez pas à Erol Alkan de trancher entre ses différentes marottes musicales. Le label qu’il a lancé en 2007, baptisé Phantasy, en est une nouvelle preuve. L’an dernier, y ont trouvé refuge aussi bien les sémillantes lubies techno de Daniel Avery (l’impeccable Drone Logic, régulièrement cité dans les tops de 2013) que l’ovni indé Connan Mockasin (Caramel). Le fil rouge? « Aucun. Je me contente de faire confiance à mon instinct. L’ambition est de sortir des disques brillants, ni plus ni moins. La première fois que j’ai vu Connan Mockasin, on était deux dans le public. Cela ne m’a pas empêché de le signer. Je fonctionne par coup de coeur et par passion. »

Il y a quelques semaines, Erol Alkan sortait lui-même un EP, intitulé Illumination. Au menu, le précité A Hold On Love, saillie house entêtante, gimmick typique de clavier répété ad lib; Bang, et ses références acid vintage; et enfin, Check Out Your Mind, big beat psychédélique et fracturé de plus de sept minutes. Trois titres à peine donc, mais un petit événement. A peu de choses près, ce sont en effet les premiers morceaux qu’Alkan sort sous son nom, en solo. La preuve, contrairement à ce que l’on avait pu parfois penser, qu’il y a moyen de se faire un nom sur ses seules qualités de DJ, sans devoir forcément cocher la case album ou productions maison… « Est-ce que j’ai le complexe du DJ qui a peur de passer de l’autre côté de la barrière en s’essayant à l’écriture de morceaux? Je ne pense pas. Je veux juste être certain que ce que je propose ne soit pas démodé dans six mois. Ce qui est très compliqué en dance music, où tout va très vite. L’EP ne compte aussi que trois titres parce que je veux m’en tenir à quelque chose de substantiel. Pas question de faire du remplissage. » Ni de viser les hit-parades à tout prix, dixit l’intéressé. « Aujourd’hui, le succès ne tient plus à une place au sommet des charts. Pour gagner sa vie, il y a le publishing, les sets DJ… Au final, l’important est que la musique puisse être entendue, partagée, expérimentée en direct par les gens. »

EROL ALKAN, ILLUMINATION EP, PHANTASY. LE 14/02, AVEC E.A. DANIEL AVERY, AU LIBERTINE/SUPERSPORT, 1210 BRUXELLES. WWW.LIBERTINESUPERSPORT.BE

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