Critique | Musique

Joseph Arthur – The Graduation Ceremony

ROCK | Dans cet album aux chansons écartelées, l’ancien protégé de Peter Gabriel atteint des sommets de mélancolie élégiatique.

Joseph Arthur, on le suit depuis la parution de son premier album sur le label Real World de Gabriel en 1997: alors, une première rock pour l’ex-archange de Genesis, qui recrute un artiste tranchant nettement sur ses explorations tiers-mondistes. Indice qu’il y a trouvé un peu de semence de la pile universelle, peu importe qu’Arthur, né le 28 septembre 1971 dans l’Ohio, soit nord-américain. Depuis lors, 6 autres disques de Joseph ont paru: on les a aimés, un peu, beaucoup, pour leur tempérament de blues foetal, manière de coucher en musiques une panoplie de névroses que le musicien met aussi en peintures troglodytes. Des trucs pas loin d’être effrayants, sous le sceau d’un trouble visuel qui pourrait parfaitement être aborigène ou remonter à Lascaux. Cela étant, on n’était pas prêt à réceptionner un tel huitième disque, coup de bambou amniotique, si beau, si fêlé, qu’il donne envie de l’écouter jusqu’à rayer son fondamental existentiel, mission impossible bien sûr.

Réaction chimique

Donc on tombe sur des choses comme celles-là: « In the time of my dying/I was make a promises I couldn’t keep/Lying to you, you and me/Helped by my addiction/Everything I thought I needed I couldn’t keep/If I was to kept myself free (…) You got to let somebody/Feeling you’re hurt/ Someone to love. » C’est la quatrième chanson, et on a compris qu’une chimie incandescente habite le disque. Entre les lignes déchirées, Joseph règle 2 ou 3 plans domestiques, genre amours plombées, désillusions de couples et autres déconfitures crues: une histoire plus vieille que le rock, bien sûr. Ce qu’il en fait par contre prend une profondeur inattendue, d’abord grâce aux mélodies cinglantes et orgueilleuses, caoutchouteuses de bonheur sous Prozac. Du genre à métamorphoser un KO spleen en triomphalisme insolent (Over The Sun), régler les paradis acoustiques (Out Of A Limb), toucher à la jubilation humide (Watch Our Shadows Run, Over The Sun), avec ce truc qui résiste aux définitions: l’inspiration. On ne sait pas très bien l’événement catalyseur qui a présidé à l’enregistrement de cet album, on le prend juste de plein fouet, encore et encore, volontairement. Co-produit par John Alagia, comparse à succès (Jason Mraz, John Mayer, Dave Matthews Band), joué par le vieux briscard Jim Keltner (batteur de Dylan, Lennon, Neil Young), ce machin inattendu et perturbé, sinueux et proche, cataclysmique et cataplasmique, est l’un des disques de l’année. Au hit-parade des monuments en péril qu’il faut impérativement visiter pour se redonner un coup de jeunesse perdue. CQFD.

Joseph Arthur, The Graduation Ceremony, distribué par Munich Records. ****

www.josepharthur.com

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Philippe Cornet

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