Trop bourrés pour chanter

Amy Winehouse au festival de Jazz à Sainte Lucie en 2011 © REUTERS
Sophie Deprez Stagiaire

Les concerts finlandais décevants seront désormais remboursés si ils ne sont pas à la hauteur des attentes des fans. Les artistes ordinairement saouls et drogués sur scène ne rentrent pas dans cette catégorie, ni les concerts annulés sur le fil. Ils sont pourtant légion.

Ça arrive à tout le monde. Attendre avec impatience un concert qui s’avère finalement décevant. C’est arrivé à des milliers de festivaliers à Couleur Café récemment, qui avaient l’image sans le son d’un Wyclef Jean qui avait dû manger un bol de céréales pas comme les autres ce matin-là. C’est aussi arrivé aux fans de Chuck Berry en 2013 lors d’un concert médiocre à Helsinki à cause de son état grippal. Parfois, la mauvaise qualité d’un show n’est pas du ressort d’un artiste si ils sont malades, à la fin d’une tournée particulièrement fatigante ou s’ils sont parfois tout simplement mauvais en live. En réalité, ce genre de « fautes à pas de chance » fait partie des aléas du direct qui font qu’un concert peut être aussi fantastique qu’il peut dégoûter le fan de son groupe de coeur. Il n’y a rien que l’on puisse y faire. Sauf quand on vit en Finlande.

Une décision récente de la Comission finlandaise des litiges a fait jurisprudence et permettra aux spectateurs qui ne seraient pas tout à fait satisfaits d’un concert de se faire rembourser. La décision est l’aboutissement d’une plainte massive des fans de Chuck Berry, après un concert à Helsinki où le chanteur de 88 ans n’était pas à la hauteur.

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L’auteur de Johnny B Goode s’était même excusé pour son état sur scène pendant le concert. La Commission a tranché: l’organisateur de l’événement remboursera aux (peut-être anciens) fans la moitié de leur ticket.

Dans ce cas, la maladie du vieux Chuck était une bonne raison pour demander un remboursement et crée une jurisprudence, permettant aux spectateurs d’exiger un remboursement pour autant que le concert soit « bien en-dessous des normes raisonnablement prévisibles ». Mais que les fans déçus de groupes champions de concerts éthyliques ratés décantent leurs ivresse momentanée: un manque de sobriété n’est pas une raison nécessaire ni suffisante. Le directeur de la Commission finlandaise des litiges, Pauli Ståhlberg, a d’ailleurs ajouté que ce n’était pas du tout inhabituel de voir des artistes sous influence dans des festivals sans que cela affecte négativement la qualité de leur performance.

La politique du « satisfait ou remboursé » adoucira l’amertume des spectateurs finlandais venus assister à un concert plus qu’imparfait mais ne règlera pas la question des artistes qui ont simplement décidé de ne pas se pointer, trop bourrés pour chanter.

Mauvais influence

Les Libertines, qui sortent leur troisième album, Anthems for Doomed Youth en septembre, semblent visiblement repartir sur de plus sobres bases.

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Il n’en a pas toujours été ainsi pour le groupe de rock qui fait partie de ce qu’on pourrait appeler les groupes à risque d’annulation de concert sous influence.

En 2004, les Libertines étaient venus à l’Orangerie du Botanique à Bruxelles sans Pete Doherty, qui avait déjà commencé sa descente aux enfers de la came et menaçait la cohésion du groupe. C’était Anthony Rossomando qui l’avait remplacé à la guitare, sans démériter.

Pete Doherty des Libertines pendant son concert au Glastonbury Festival en juin 2015
Pete Doherty des Libertines pendant son concert au Glastonbury Festival en juin 2015 © REUTERS

En 2009, le chanteur avait annulé un concert parisien à l’occasion de la Fête de la musique. Pete, qui faisait déjà les choux gras des tabloïds, venait d’être arrêté une semaine avant; d’où son absence. Il aurait pu, c’est vrai, donner son concert en prison, comme l’avait fait Johnny Cash avant lui, à la différence que le chanteur de country, lui, était libre.

En 2010, Pete Doherty avait annulé sa venue au Théâtre des Verdures à Nice, officiellement pour une hospitalisation de dernière minute. Le doute s’est installé quand le quotidien Le Parisien a affirmé avoir vu le chanteur et guitariste des Libertines à la terrasse d’un café parisien le même après-midi alors qu’il était attendu à Nice quelques heures plus tôt.

Il avait aussi annulé sans raison son concert à Rouen en 2011. Après tout, quand le coeur n’y est pas, rien ne sert de se forcer, Pete.

L’année suivante, l’ex-Libertines devenu Babyshambles avait annulé toute sa tournée européenne pour raison de santé. Il avait déjà fait quelques séjours en cure de désintoxication pour son addiction à l’héroïne. Sans succès.

2014 était l’année du climax. Les Babyshambles avaient annulé leur concert à la Fête du bruit pour « état de fatigue et raison de santé ». Tout ça, s’est du passé. Aujourd’hui, les Libertines sont repartis pour un tour de piste.

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D’autres artistes sont réputés pour leur manque de fiabilité en concert.

The Pogues

Shane McGowan des Pogues au début des années '90 au Womad festival de Yokohama, au Japon
Shane McGowan des Pogues au début des années ’90 au Womad festival de Yokohama, au Japon© cc

En octobre 1991 à l’Elysée Montmartre, le concert des Pogues avait subi quelques changements de dernière minute dont le public n’avait pas connaissance avant de voir débarquer Joe Strummer pour remplacer Shane Mac Gowan au pied levé. Le chanteur aux dents pourries venait de se faire virer du groupe à cause d’une sévère dépendance à l’alcool, aux amphétamines et aux acides. Il est d’ailleurs célèbre pour ses performances scéniques ivre, qu’il a poursuivies en solo.

En ’93, à l’Élysée Montmartre pour la promotion de son premier album solo The Snake, c’est d’un concert pitoyable qu’il a gratifié ses fans, tant il était dans un état second. Sur scène à Berlin en 1998, il avait commencé le concert d’un « Good Evening Amsterdam! » qui en disait long sur sa forme du moment. Pour sa défense, c’était le jour de la St Patrick, que l’Irlandais se devait de fêter dignement.

Son passage à Paris pour promouvoir son second album solo a été purement et simplement annulé sans autre forme de procès. A l’époque, les nouvelles le concernant étaient alarmistes. Il était question de « quelques mois à vivre ». Aujourd’hui, Shane Mac Gowan va très bien. Merci pour lui.

Juste pour le plaisir des yeux, voici tout de même ce à quoi pouvait ressembler Shane interviewé par un journaliste après un concert.

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The Doors

Avant leur concert à Amsterdam en 1968, les Doors s’étaient baladés dans les rues de la ville réputée pour son horticulture. Des fans bien ou mal intentionnés (c’est selon) leur avaient offert différentes formes de narcotiques, mais alors que les membres du groupe touchaient à peine aux joints qui transitaient par eux ou les entreposaient dans leurs poches pour plus tard, Jim Morrison rendait grâce à tout ce qui lui était distribué. Sur scène plus tard, il s’était évanouit et avait dû être hospitalisé. Les Doors restant étaient face à un dilemme: annuler le concert ou continuer sans le chouchou de ces dames. Pour les trois garçons habitués à un Morrison peu fiable – qui s’était déjà évanoui pour les mêmes raisons avant et après leurs concerts, et pendant des enregistrements studio – le choix était vite fait. Le batteur John Densmore, le guitariste Robby Krieger et le claviériste Ray Manzarek sont montés sur scène et ont joué leur set habituel avec Manzarek au chant.

Jim Morrison jugé après son concert à Miami et reconnu coupable
Jim Morrison jugé après son concert à Miami et reconnu coupable « d’outrage aux bonnes moeurs » et « d’exhibition indécente »© SongLyrics

L’année suivante était celle du fiasco du concert de Miami. Le concert de la première longue tournée du groupe, où Morrison était arrivé avec une heure de retard et dans un piteux état. Il avait raté son avion et avait continué à boire dans le suivant. Il s’était dénudé pendant un concert où il avait à peine chanté, ivre mort. La tournée qui devait s’ensuivre en Europe a été annulée à cause du procès qui a suivi sa mise à nu.

Amy Winehouse

Mais la Palme d’or des concerts annulés pour cause d’état lamentable revient sans doute à la défunte star britannique Amy Winehouse, dont le film documentaire sort ce mercredi dans les salles obscures belges. Par deux fois, elle avait annulé son concert au festival Rock en Seine à Saint-Cloud en 2007 et 2008. La chanteuse soul et saoule, était restée, malade, à son domicile londonien et n’avait pas pu se rendre au festival, où elle était tête d’affiche du jour. À l’époque, les annulations de concert de la chanteuse de 25 ans étaient presque prévisibles tant elles étaient déjà monnaie courante.

Amy Winehouse au festival de Jazz à Sainte Lucie en 2011
Amy Winehouse au festival de Jazz à Sainte Lucie en 2011© REUTERS

En 2009, Amy Winehouse participait au festival de Jazz à Sainte Lucie, où elle était apparue ivre, après un an d’absence sur scène, négligente et oubliant les paroles de ses chansons.

La même année, le grand retour de la diva trash de la soul par un concert à Londres avait été annulé sans explication. Problèmes de santé à répétition, d’addiction aux drogues et à l’alcool, Amy était déjà à deux doigts de se mettre son public à dos.

En 2011, elle avait été plus que pathétique à son concert à Belgrade, où c’est un squelette imbibé et peinant à tenir sur ses guiboles trop maigres que les fans ont vu monter sur scène à contrecoeur. Incapable de chanter une seule de ses chansons, la star tout droit sortie d’une cure de désintoxication éclair de deux semaines s’était vue insultée et conspuée après cette énième arnaque au concert foireux, la contraignant à annuler sa tournée européenne.

La popularité d’une Amy, d’un Pete, d’un Jim, d’un Shane et des autres ne va nulle part sans une vie tumultueuse et des écarts alcoolisés, parfois seuls éléments retenus contre ces génies torturés. Au-delà des titres tapageurs, des frasques et déclarations hautes en couleurs, leur talent se doit d’être rappelé au-delà des apparences. C’est ce que s’est promis de faire Asif Kapadia dans son documentaire, Amy, pour rendre à la voix de velours ses lettres de noblesses.

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