Critique

Le Capital

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Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

THRILLER FINANCIER | Costa-Gavras conjugue suspense et pamphlet pour dénoncer les dérives cyniques, irresponsables, d’un certain monde bancaire.

Thriller financier de Costa-Gavras. Avec Gad Elmaleh, Gabriel Byrne, Natacha Régnier. 1 h 53. Sortie: 21/11. ***

A l’heure où le citoyen belge est une fois de plus contraint de réparer les pots cassés par une ex-grande banque, la charge menée par Costa-Gavras dans Le Capital (lire dossier dans le Focus du 23 novembre) ne saurait être qualifiée d’absurde ou d’opportuniste. Elle est certes radicale dans sa dénonciation des moeurs d’un certain monde bancaire, mais qui oserait la prétendre fallacieuse, alors que la valse des profits continue grâce à un refinancement public à coups de milliards d’autant plus choquant qu’il semble impossible de trouver quelques misérables millions pour renflouer la santé, l’enseignement, voire -soyons fous- la culture… Le cinéaste qui avait autrefois si fortement épinglé la dictature grecque (Z), les procès staliniens (L’Aveu), le soutien américain aux tyrans sud-américains (Etat de siège) et la justice français sous Vichy (Section spéciale) n’a rien perdu de sa faculté d’indignation. L’époque ne pouvait que le faire réagir, comme l’avait déjà prouvé le formidable Le Couperet, en 2005, où José Garcia incarnait un cadre au chômage prêt à tout -même à tuer- pour retrouver un emploi. S’inspirant peut-être de ce contre-emploi très réussi, Costa-Gavras fait aujourd’hui d’un autre comique, Gad Elmaleh, le personnage central d’un thriller financier n’ayant rien de drôle.

Vers le pire?

Marc Tourneuil, le personnage joué par Elmaleh, occupe un poste important dans une banque de première importance. Proche du patron de la société, que la maladie force à prendre ses distances, il va être appelé à le remplacer à la présidence. Une surprise, un piège sans doute (on le juge inoffensif et au besoin facilement éjectable), mais aussi une opportunité que Tourneuil va vouloir saisir pleinement, pour le pouvoir et surtout pour l’argent. Cet argent qui rend dingue et pousse à l’imprudence, voire pire dans le cas qui nous occupe, des décideurs que l’opulence dans laquelle ils évoluent prive du sens de la réalité. A moins qu’ils pensent que c’est à la réalité de s’adapter à eux et à leurs dérives de gestion. Privatisation des bénéfices, socialisation des pertes par l’argent public. Le master plan se croit imparable, et choque un Costa-Gavras dont le ton se fait sombre, annonciateur du pire. Sous son titre à double sens où passe l’ombre du texte fameux publié par Marx en 1867, Le Capital invite à se réveiller avant que « tout pète », un peu comme La Haine de Kassovitz le faisait en 1995 sur la bombe à retardement des banlieues. Il emprunte pour ce faire la voie du thriller implacable, nageant dans ces « eaux glacées du calcul égoïste » jadis épinglées par le verbe marxiste. Jouant de l’identification au populaire Elmaleh (au jeu volontairement distancié) pour inviter le spectateur à ouvrir les yeux, Costa-Gavras a déjà fait plus subtil. Mais peut-être juge-t-il l’heure de la mesure déjà dépassée…

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