Norah Jones entre deux eaux

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Mercredi soir, le Gent Jazz Festival lançait son édition 2010. Du jazz sous toutes ses formes jusqu’au 18 juillet. Avec dès hier soir, Norah Jones.

Il y a un signe qui ne trompe pas: quand vous commandez une boisson au bar du Gent Jazz Festival, le barman vous sert dans un verre. On veut dire : un vrai verre, pas un gobelet en plastique. De fait, le Gent Jazz n’est pas un festival comme les autres. C’est un peu le luxe ici, au Bijloke, ancien hôpital médiéval reconverti en centre culturel. Bon chic, bon genre donc, à mille lieues des festivités rock’n’roll plus bucoliques.

La force de l’événement gantois ? Son affiche assurément, avec une programmation à double détente. D’abord, jazz stricto sensu (avec e.a. Ornette Coleman, Pat Metheny, Toots…) ; ensuite, sur un mode plus ouvert – de Gil Scott-Heron à Madness !


Mercredi soir, le festival ouvrait ses portes avec une première tête d’affiche incontournable : Norah Jones, de passage 15 jours à peine après son concert à Forest. Pas mal pour quelqu’un qui n’a jamais vraiment démontré jusqu’ici un amour immodéré pour la scène, exercice qui a même parfois pu ressembler à une torture.

Seulement voilà, les gens changent. Parfois. Pas toujours. Ou alors juste un peu. Déjà avec Not Too Late, sorti en 2007, Jones avait manifesté l’envie de sortir un peu de son idiome jazz trop souvent poli à l’extrême, délicat au point de devenir complètement lisse. Avec The Fall, sorti fin de l’année dernière, la chanteuse poussait le bouchon (un peu) plus loin, travaillant notamment avec le producteur Jaquire King (Tom Waits, Kings of Leon,…).


Cette volonté d’évoluer est manifeste sur scène. Elle ne suffit pas toujours : tout le début du set tourne au ralenti, en mode cocooning tranquille, sans préjudice mais aussi sans éclat. Un peu comme la voix de Jones, qui pour être de velours semble parfois trop facile, sans effort.

Ce n’est qu’à la moitié du concert que l’affaire prend une autre tournure, lentement mais sûrement. En fait, pendant l’heure et demie où elle occupera la scène gantoise, Jones se plantera au croisement de ses deux envies, de ses deux personnalités. Le single Chasing Pirates, par exemple, a beau ne pas sortir de ses rails, il arrive à détoner avec un son de clavier qui crée le décalage. Avant, sur Young Blood, c’est la guitare de Smokey Hormel qui secoue habilement le morceau.

Par la suite, Jones vire même country en reprenant Willie Nelson. A ce moment-là, elle a enfilé une six-cordes. Pourtant, c’est encore et toujours derrière le piano qu’elle est la plus troublante. Sunrise par exemple, est livré avec une intensité inédite. Plus encore, quand Jones balance le tube Don’t Know Why, seule au piano, seulement accompagnée de Sasha Dobson au choeur, elle arrive à lui redonner une nouvelle vie, comme si on l’entendait pour la première fois.


Certes, ce n’est pas encore aujourd’hui que Norah Jones va enflammer une scène. Elle a cependant démontré mercredi soir qu’elle pouvait aussi quitter un moment des routes trop balisées.

Laurent Hoebrechts, à Gand

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