Critique | Livres

Gastoon: modèles réduits

HUMOUR PAS DRÔLE | La sortie du premier Gastoon entérine une tendance lourde, au propre comme au figuré, de l’édition BD: donner vie aux versions junior de ses personnages-clés.

Gastoon, tome 1: Gaffe au neveu!, de Yann, Simon et Jean Léturgie, Éditions Marsu Productions. *

A mini-gaffeur, maxi-boulette: l’annonce de la parution de Gaffe au neveu!, le 1er tome des aventures de Gastoon, neveu écolo-bricolo de Gaston Lagaffe, a provoqué au printemps dernier un véritable tollé chez les fans, nombreux, du personnage préféré de Franquin. Et la sortie physique dudit album en cette rentrée ne devrait pas contribuer à calmer les esprits bédéphiles.

Graphiquement honnête, même si le personnage de Gastoon tient quasiment du freak -en gros, l’énorme tête de Lagaffe bizarrement vissée sur un corps d’enfant-, cette nouvelle série sidère en effet par l’inanité de ses gags, vaines resucées truffées de mauvais calembours tombant invariablement à plat. Où le bureau du anti-héros en espadrilles le plus fainéant de l’Histoire du 9e art fait place, selon un schéma particulièrement éprouvé, au théâtre des enfantillages de son génie gaffeur de neveu et de ses petits camarades: l’école. Ce qui nous vaut le plaisir fort relatif de faire connaissance avec les copies conformes, façon modèles réduits, de Jules-de-chez-Smith-en-face, M. De Mesmaeker, Mademoiselle Jeanne et autre Bertrand Labévue… Ne cherchez pas une éventuelle cohérence, il n’y en a pas.

Du côté de Marsu Productions, on se montre pourtant serein: « Notre seul but est de valoriser l’univers de Franquin. (…) Les fans de Gaston n’ont aucune crainte à avoir. Le projet est parfaitement dans la ligne de ce qu’aurait voulu Franquin. » Voilà qui est aller vite en besogne. Si l’on doit la création même du personnage de Gastoon -à des fins uniquement publicitaires, à l’époque- au maître aujourd’hui disparu, on imagine mal en effet ce perfectionniste maladif se gargariser d’un pareil bâclage.

Fils de…

La pratique, en soi, est loin d’être nouvelle. Chez nous, la mode de ces « baby characters », très populaire aux Etats-Unis (voir les Muppet Babies, les Disney Babies, etc.), pourrait trouver sa source du côté du Fils d’Astérix, imaginé en 1983 par un Uderzo alors en sérieuse perte de vitesse créative depuis la mort de René Goscinny. Peyo, avec Le Bébé Schtroumpf puis Les P’tits Schtroumpfs, ainsi que Tome & Janry, avec Le Petit Spirou, lui emboîtant bientôt le pas.

Le petit monde de la BD franco-belge multiplie ainsi désormais à tour de bras les spin-offs mettant en scène des pendants taille S de héros ayant fait leurs preuves. C’est Lucky Luke et Kid Lucky. Cubitus et son neveu Bidule. Lanfeust de Troy et la série Gnomes de Troy. Des jeunesses souvent peu inspirées, paresseusement téléguidées par une logique de rentabilité facile. A l’heure où le marché est balayé par les vents de la frilosité, le concept tient en effet du pain bénit pour certains éditeurs faisant peu de cas de la valeur artistique du produit fini: il suffit de faire du neuf avec du vieux et minimiser ainsi au passage les risques de plantage.

Une manière aussi de rajeunir, et donc d’élargir, le lectorat en simplifiant les scénarios et en multipliant les références au monde de l’enfance. Sans peur, aucune, du ridicule. A quand, donc, les aventures des Très Petits Hommes? Du Docteur Poche de poche? De Baby Paddle?

Pendant ce temps-là, au rayon nouveautés, on annonce le plus sérieusement du monde pour octobre la sortie du 1er tome des Marsu Kids et pour novembre celle des 2 premiers albums de P’tit Boule et Bill… M’enfin!?

Nicolas Clément

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