Frankie Knuckles: sa vie, son oeuvre

Frankie Knuckles © Reuters
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Mauvaise blague: Frankie Knuckles, le parrain de la house music, est décédé hier, à l’âge de 59 ans. Retour sur l’une des légendes de la musique populaire du XXe siècle.

Le week-end dernier, il jouait encore au Ministry of Sound à Londres. Deux jours plus tard, le 31 mars, Frankie Knuckles décédait à l’âge de 59 ans. La nouvelle a été confirmée aujourd’hui par son associé Frederick Dunson. La mort du pionnier de la house serait due à des complications liées à ses problèmes de diabète. Dans un article du Guardian, daté de 2011, Knuckles expliquait comment il avait développé la maladie, après avoir refusé de soigner un pied réduit en compote lors d’une chute en snowboard. Une opération l’aurait obligé à rester au repos pendant près d’un an: impossible pour lui d’arrêter ses sets DJ pendant aussi longtemps…

Frankie Knuckles est né en 1955 dans le Bronx. Il commence sa carrière de DJ en pleine fièvre disco, en même temps que son pote Larry Levan, autre légende de la dance music. Dès 73, il obtient ainsi une première résidence, le lundi et le mardi, au Better Days, un club gay black dans le quartier de Times Square. Quand le disco se prend un retour de flamme, aussi vite abhorré qu’il faut adorer, Knuckles prend la tangente et s’installe à Chicago. En 1977, il se voit en effet confier les platines du Warehouse. Il joue toujours de la disco et de la Philly soul, version ultramaniéré et extatique de la soul seventies, mais commence tout doucement à en bouger les lignes. Dans Turn The Beat Around (ed. Allia), Peter Shapiro explique: « Aussi décida-t-il d’agrémenter ses vieilles galettes disco de beats plus inflexibles produit par une boîte à rythmes bon marché, pour ensuite en reprendre la structure afin de les rendre tantôt plus rentre-dedans, tantôt plus dub. La légende voudrait que cette forme de disco gonflée par des rythmiques artificielles et remodelée sur bandes magnétiques se fît baptiser house music parce que les gens ne cessaient de demander aux disquaires « les trucs qu’ils jouent à la Warehouse ». » La boîte à rythmes bon marché dont parle Shapiro est par exemple la Roland 909 que Knuckles rachètera à un certain… Derrick May, qui mettra lui au point l’esthétique techno. Chicago d’un côté, Detroit quelque 400 km plus loin. De ces deux villes partiront deux des plus importantes révolutions musicales du XXe siècle. La disco tient sa revanche…

En 85, Knuckles sort avec Jamie Principle Waiting On My Angel, puis deux ans plus tard l’hymne Your Love, tandis qu’il multiplie et consacre l’exercice du remix pour les plus grosses stars du moment (Michael Jackson, Depeche Mode…) et fait tourner son propre club, le Power Plant. Petit à petit, alors que « toutes les conditions étaient réunies pour que la house ne sorte jamais des ghettos blacks de Chicago », comme le rappelle Laurent Garnier dans son Electrochoc (ed. Flammarion), la house music fondra sur le Vieux Continent, bouleversant à la fois la culture dance et contaminant les autres musiques.

Il ne faudrait donc pas négliger l’importance de Frankie Knuckles, catalyseur, sinon inventeur, d’une certaine utopie musicale, qui n’a cessé de revenir à l’avant-plan ces dernières années. À Chicago, le godfather de la house music a ainsi été déjà honoré par une rue baptiséeà son nom, là où se trouvait la Warehouse. En 2004, sous l’influence d’un élu local, le 25 août a même été décrété « journée Frankie Knuckles ». Le nom du zélé sénateur: Barack Obama…

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