Brune/Blonde, rien que pour leurs cheveux

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La Cinémathèque française consacre une passionnante exposition à la chevelure féminine, à mi-chemin du fantasme et du mystère féminin révélé.

Catherine Deneuve démêlant ses cheveux dans Belle de jour ou la caméra d’Alfred Hitchcock s’engouffrant dans le chignon de Kim Novak dans Vertigo, il y a là comme la promesse d’un enchantement, quelque part du côté de la vision fantasmatique et du mystère féminin dévoilé.

Le cinéma a en effet tiré le meilleur parti de la fascination capillaire, autant qu’il l’a entretenue d’ailleurs, vouant un culte jamais démenti à la chevelure féminine, et façonnant des mythes savamment orchestrés en dégradés de couleurs (blonde platine, rousse flamboyante, brune sensuelle ou noire mutine, suivant les époques), quand il ne jouait pas d’oppositions irréductibles (La Blonde ou la rousse, se demandait Frank Sinatra devant l’objectif de George Sidney, là où un Lynch explorerait la dualité brune/blonde sous l’angle du dédoublement, de Lost Highway en Mulholland Drive).

Le sujet est, pour tout dire, inépuisable: à témoin, la profusion de titres de films y faisant ouvertement référence. Un domaine où, si, à en croire certaine chanteuse, Les brunes ne comptent pas pour des prunes, les blondes ont toutefois les faveurs, postulat vérifié de Platinum Blonde en Blonde Venus; de The Strawberry Blonde en My Favorite Blonde; de The Beautiful Blonde from Bashful Bend en Gentlemen Prefer Blondes; de The Real Blonde en Legally Blonde, et qui, appliqué à la filmographie en français de Jayne Mansfield, consacre définitivement le règne de la Blonde, successivement décliné en La blonde et moi, La blonde explosive, La blonde et le shérif et même La blonde et les nus de Soho.

Cette suprématie de la blonde (Hitchcock, qui en connaissait un bout sur la question, n’affirmait-il pas: « La parfaite femme à mystère doit être blonde, subtile et nordique »), elle compte parmi les motifs de Brune/Blonde, la passionnante exposition que consacre la Cinémathèque française à la chevelure féminine. Soit, conçu par Alain Bergala, un parcours composite (extraits de films, archives télévisuelles, photographies, peintures…) où le mythe tutoie le vertige amoureux, témoignant encore de l’impact du cinéma sur la société, en même temps que de sa… capillarité aux autres arts.

Accueilli par le mouvement ondoyant de la crinière noire de Shu Qi dans Millenium Mambo de Hou Hsiao-Hsien, le visiteur débouche sur un espace où un kaléidoscope d’images le plonge au coeur même du mythe, entre Louise Brooks et Marilyn Monroe, brune et blonde éternelles, rejointes ici par d’autres: la Lana Turner de Warhol ou une Deneuve traversant les époques à la Une de Elle… C’est là le préambule à un voyage qui, pour couper les cheveux en quatre, n’en est pas moins un appel à l’imaginaire, convié à prolonger le plaisir (ainsi, en particulier, de ces extraits de films qui parsèment l’exposition (des Demoiselles de Rochefort au Vent, en passant par Huit Femmes, Edward Scissorhands et tant d’autres) et qui convoquent en même temps le souvenir cinéphile et les montages inédits, laissant à chacun le soin de s’y perdre à loisir.

Due à Nathalie Crinière, la scénographie compose un panorama subjectif du cheveu féminin à travers les arts, articulé en divers axes thématiques et esthétiques. La perspective historique s’enrichit de rapprochements féconds. Ainsi, par exemple, du volet « histoire et géographie de la chevelure », qui oppose à l’impérialisme de la blondeur décrété par Hollywood avant d’essaimer à l’échelle planétaire et de déborder au-delà du cadre de l’écran, les mouvements d’émancipation où la chevelure joue un rôle d’étendard. Voir Jean Seberg arborant le cheveu court dans Bonjour Tristesse, ou encore ces femmes iraniennes photographiées par l’artiste plasticienne Shirin Neshat.

Pur fantasme et idéal féminin

Se greffe ensuite à cette approche esthético-sociologique, une autre touchant à la longue tradition iconographique dans laquelle s’inscrit la « gestuelle » liée à la chevelure. Un mouvement dont le pouvoir de suggestion a été porté à sa quintessence par le Septième art, mais qui n’en a pas moins inspiré peintres, bien sûr, mais aussi sculpteurs et photographes, de Rodin à Man Ray. On atteint là au pur fantasme, exploré à la faveur des « grands scénarios » de la chevelure féminine, ceux qui, rivalité, travestissement, métamorphose ou sacrifice, ont irrigué l’oeuvre de cinéastes en prise, pour certains, sur l’inconscient, Bunuel, Hitchcock et Lynch en tête.

Le parcours en appelle également ici au fétichiste sommeillant en tout cinéphile, non sans être utilement mis en perspective, chaque scénario étant accompagné d’un commentaire explicatif. Reste, enfin, après être allé se balader du côté de L’avventura et la chevelure de Monica Vitti, en un appel vers l’abstraction, à s’arrêter aux courts métrages de six réalisateurs contemporains, ponctuant un parcours capillaire particulièrement stimulant. No, celui d’Abbas Kiarostami, vaut d’ailleurs mieux que de longs discours, la chevelure y incarnant une forme d’idéal, féminin et enfantin à la fois. Tout bonnement irrésistible.

Brune/Blonde, jusqu’au 16 janvier 2011 à la Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris.
Catalogue aux éditions Skira Flammarion.

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Jean-François Pluijgers, à Paris

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