Philippe Cornet

Le cadavre exquis de Michael Jackson

Philippe Cornet Journaliste musique

La chaîne US Discovery Channel vient de postposer « indéfiniment » le doc-fiction prévu sur l’autopsie du corps de Michael Jackson. Pas forcément par sursaut de dignité morale.

Par Philippe CORNET

Michael Jackson’s Autopsy: What Really Killed Michael Jackson ne sera donc pas diffusé par le network Discovery en ce mois de janvier 2011, la chose étant remise à la Sainte-Trinité. Sûr que cela fera un manque de pics d’audience, le sujet comme la réputation de Discovery en matière de reconstitution maniaque et dramatisée dans d’impeccables ralentis étant susceptibles de doper l’audimat hivernal.

Très clairement, la téloche d’aventures créée en 1985 a justifié sa décision: « Etant donné les mesures légales prises par la succession de Michael Jackson ». Ça sentait nettement le procès rageur, la famille ayant peu goûté (euphémisme) la bande annonce montrant une main gantée à la Bambi sur un chariot de morgue. Si la Jackson Corporation s’apprêtait à faire débouler une armada d’avocats naturellement vindicatifs sur l’affaire, c’est pour protéger l’image du fils prodige. Bref, défendre son capital-pension au moment où la machine marketing a intronisé l’album de rattrapage Michael dans les charts internationaux. L’autopsie n’aurait pu que confirmer l’infernal piège médicamenteux engluant le génie-chanteur dans une spirale de « drogues légales ».

Victime le 25 juin 2009 d’un arrêt cardiaque à l’âge de 50 ans, l’insomniaque Jackson usait du Propofol, puissant anesthésiant destiné à endormir les patients avant opération ou soulager les malades en phase terminale… Une drogue extrêmement dangereuse dont l’usage se serait avéré, dans ce cas-ci, létal.

Vers un embaumement

Au-delà des conclusions médicales, autopsier Michael, c’est aussi le désacraliser une seconde fois en attestant de son statut humain. Convenir qu’en dehors de son exceptionnel charisme musical, de l’impérissable soul-funk légué à la planète, il fut aussi un adulte désorienté, pas très doué pour le bonheur et accusé à de multiples reprises de sévices sur enfants. Ceux-ci ont donné lieu à des procès bottés en touche par des règlements financiers hors-cour, renforçant l’intuition qu’il y eût bien des délits sexuels envers mineurs. Bref, un torrent de boue que l’autopsie aurait pu faire gicler sur le tapis en soie christique que les héritiers Jackson veulent étendre une fois pour toutes à la planète entière.

La légende Jackson est d’abord une construction très américaine de l’angélisme, un modèle pasteurisé de la réussite comme valeur suprême. Et qui sait si le « film » de Discovery n’aurait pas attesté de particularités physiques intimes, du genre de celles notées par les jeunes gens ayant approché de trop près le King Of The Divan?

La déprogrammation est d’abord une question de timing: Jackson est aujourd’hui un souvenir frais et chaud, une star digitale pour consumérisme numérique. Peut-être que 3000 ans après sa mort (…), comme ce fut le cas pour Toutankhamon le pharaon oublié, une télévision pourra reconstruire l’autopsie de celui qui, de son vivant, fut déjà, d’une certaine façon, un cadavre émotionnel.

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