Critique

Meteora

Meteora © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Entre profane et sacré, religion et passion amoureuse, une expérience singulière par la forme comme par le propos.

C’est un des paysages les plus singuliers qui puissent s’offrir au regard. La vallée grecque du Pénée, en Thessalie, voit s’élever cet ensemble de rochers dressés vers le ciel dont on dit qu’ils furent autrefois envoyés afin d’inviter les ascètes à y grimper pour prier. Le nom de « Météores » leur fut conséquemment donné.

Des monastères y furent bâtis, où des moines orthodoxes continuent encore aujourd’hui de prier, un millénaire après que les premiers d’entre eux y furent montés pour célébrer leur dieu. Six de ces lieux de culte sont encore aujourd’hui en activité. Un circuit touristique, partant de la ville de Kalambaka, permet d’en faire le tour. Mais pas question d’accéder à ces lieux sacrés, réservés au culte et à ses règles farouchement immuables…

Spiros Stathoulopoulos, jeune cinéaste de 34 ans, a choisi ce décor naturel et culturel unique pour y situer son deuxième long métrage. Le premier, PVC-1, avait remporté de nombreux prix, et intensément captivé avec son histoire -narrée en un seul plan séquence!- d’une victime d’extorsion au cou de laquelle des malfrats avaient placé une bombe qu’elle ne pouvait ôter sans la faire exploser…

Amour interdit

Theodoros est moine, Urania est nonne. Tous deux dévoués au service de Dieu, ces jeunes gens n’en sont pas moins humains, et de doux sentiments, des désirs aussi, sont nés entre eux. Défi aux interdits religieux et moraux, leur amour ne saurait être que vécu dans la clandestinité. Stathoulopoulos leur consacre un film d’une splendeur épurée, inscrivant dans des paysages à couper le souffle la chronique d’une transgression. Une chronique extrêmement dépouillée, une épure de cinéma radical, évoquant une certaine peinture primitive à laquelle renvoient directement -géniale inspiration- des scènes imaginaires filmées en animation.

Meteora est un de ces objets cinématographiques non identifiés dont rien ou presque ne les rattache à quelque chose de connu. Même Bresson, évoqué par certains lors de la présentation du film au Festival de Berlin, n’est pas la référence d’une réalisation tout à la fois intemporelle (rien n’a changé dans les rituels de la vie monacale) et ancrée dans un monde contemporain séculier où la vie continue, évolue. Spiros Stathoulopoulos cadre admirablement les contrastes du profane et du sacré, les glissements progressifs du désir amoureux dans le champ immuable de la pratique religieuse. L’austérité de son film, l’absence de récit, fragilisent par moments son impact, mais aucune baisse de tension, d’attention, ne peut dissiper la surprenante fascination qu’il exerce avec art et aussi émotion.

  • Drame de Spiros Stathoulopoulos. Avec Theo Alexander, Tamila Koulieva-Karantinaki. 1h22. Sortie: 16/10.
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