Oscar and the Wolf, la nouvelle sensation dream pop belge

Oscar and the Wolf © Marie Wynants
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Via un premier album d’électro-pop thérapeutique, Oscar and the Wolf décroche une musique « qui lie la danse au sexe », laissant augurer à son auteur Max Colombie, 23 ans, un parcours étoilé.

Le Comte Léopold Lippens n’appréciait pas que les manants de passage dans sa belle cité de Knokke trimballent de vulgaires frigobox sur la plage. Il tenta de les interdire. C’était dans les années 80. Depuis lors, le frère aîné de Maurice Lippens a inauguré la première d’Hotel M, le « zomertalkshow » de la VRT-Eén présenté par l’inénarrable Marcel Vanthilt. C’était le lundi 28 juillet sur un gros décor rouge et noir de la digue knokkoise, ponctuée par la présence d’un autre manant, Rocco Granata(1). Le lendemain, en compagnie d’un vent déchaîné, c’est au tour d’Oscar and The Wolf de passer à la télévision estivale populaire: quatre jeunes mecs font frémir, en live, la mélodie à vapeur de Joaquim, tube en Flandre. Sur des synthés-sirènes, la voix d' »Oscar » -Max Colombie dans le civil- chante à pleine bouche lymphatique ses phrases broutées par le spleen: « Maybe I’m chasing the night so I can find rough bones and bitter diamonds. » Le squelette peu épais de la chanson est recouvert de choeurs, plus anges que vinaigre, pour une dream pop destinée à loger longuement dans l’oreille. Question à dix Xanax: d’où vient ce chagrin, Max? « Là, je ne parviens plus à écrire parce que tout semble être sorti de mon corps, il me faut d’autres expériences pour pouvoir aller vers de nouveaux morceaux. Ce premier album, Entity, a pu être composé parce que je vivais un chagrin d’amour. Je ne parviens pas à écrire quand je suis amoureux et que tout fonctionne. Donc là, je cherche des gens pour me briser le coeur (sourire). Entity raconte la perte, le sentiment de ne plus rien avoir du tout, l’obsession pour une énergie enfermée chez quelqu’un, pour quelque chose qu’on ne comprend pas vraiment. » La conversation avec Max zappe sur son univers, strictement 2.0: « Je suis purement de cette génération, elle me convient: je ne lis pas de livres, je m’intéresse surtout aux films et aux séries. D’ailleurs, je voudrais être un vampire, un être froid et destiné à vivre éternellement. Je ne m’attache pas à la réalité, la mienne n’existe d’ailleurs pas. »

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Endorphines

Hormis la mélancolie qui les arrose, les morceaux sont contaminés par des figures électro –Somebody Wants You et sa sensation de disco efféminé. L’album sonne vaguement comme un digest de Robert Wyatt, Soft Cell et d’une pointe de Bon Iver… Max: « J’ai l’impression que ma musique, bien que plutôt lente, doit avoir un beat sur lequel les gens pourront danser, parce que je fais le lien entre la danse, le corps et le sexe, y compris les odeurs corporelles et le rôle joué par les endorphines. A 18 ans, je faisais du folk hivernal, peut-être même dépressif, maintenant, je veux que ma musique soit sexy. » Tige d’1m85, tout en jeans-casquette de toile bleutée, portant la bague de ses parents séparés, Max est attrapé par des gamin(e)s sur la plage et répond aux demandes d’autographes comme de selfies avec une bonhommie souriante. « Mais il y a aussi de la tristesse dans ma musique: la combinaison « sexy et triste » est pour moi la meilleure possible. J’aime la house et j’adorerais que mon album soit remixé pour le dancefloor, par exemple par Jamie XX ou Lorn. » Max a grandi en Brabant Flamand, avec sa mère et son beau-père, le footballeur Franky Vercauteren, fameux pour ses dribbles anderlechtois, actuellement entraîneur en Russie. Plus tard, Max a étudié « l’art » dans une école de Bruxelles-Ville avant de travailler la peinture à Gand -études non achevées. Enfant, il s’énamoure de Laura Pausini, Fugees, No Doubt, s’entiche des chansons plutôt que des carrières. Il a longtemps dévoré le Disney Channel, englué dans ces musiques « à la fois super heureuses et effrayantes ». Héritage Disney ou pas -et ce peut-être dès le pseudo choisi (Pierre et le loup?)-, le travail vocal sur Entity impressionne par le chassé-croisé de la lead et des choeurs, autant un défi consanguin qu’une complicité émotionnelle. « On a mis fréquemment deux jours par chanson à travailler uniquement sur les prises de voix: j’ai pas mal enregistré dans ma chambre puis dans un studio à Tirlemont avant de finir le disque à Londres en compagnie de Leo Abrahams, qui a notamment bossé avec Brian Eno. » Max travaille sur son Apple G Duet et trois claviers, dont un Nord Electro. Max aime Harmony Korine et Sadé. Max est un intéressant mélange. Max est un faux blond.

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Sonner comme une femme

« L’industrie est dure: on passe de shows à Werchter devant 10.000 personnes, où l’on doit constamment prouver qu’on peut encore être meilleur, à des showcases comme ceux de la semaine dernière à Londres, où l’on doit porter notre matériel de scène en traversant le public, et où dans les loges, il n’y a même pas un verre d’eau du robinet. » Ce qui a le plus bluffé Max en Angleterre, c’est d’avoir partagé une soirée avec la fille de Sting, Coco Sumner, et pas seulement pour son regard cobalt: « Sa voix est étonnante, comme celle de son père, que j’aimais beaucoup: la première fois que je l’ai entendu, c’était dans la musique d’un documentaire sur l’océan (The Living Sea, ndlr) que j’avais vu dans une salle IMAX. Super nice! J’essaie toujours de ne pas chanter comme un homme, mais de sonner comme une femme. » Pas de doute, on peut convier le rabâché terme « romantique » pour cerner, si pas la musique d’Oscar, en tout cas sa disponibilité au romanesque -comme celle qui consiste à recevoir des lettres de fans parlant de ses chansons « comme leur ayant sauvé la vie ». Une pause et puis: « C’est amusant de penser qu’ils croient me connaître, comme moi je croyais connaître Lana Del Rey. » Max habite toujours avec ses parents, adore la campagne qui le « nourrit par son tout organique », et voudrait vivre dans un bungalow. Mais il vient d’acheter un appart rue Dansaert qui sera fini en août 2016. D’ici là, il sera peut-être une star. Et les frigobox enfin interdits à Knokke.

(1) célèbre chanteur flamand d’origine italienne dont le biopic Marina est sorti en 2014.

Entity, distribué par PIAS. ****

En concert au Pukkelpop le 14/08, le 22/10 à Leuven et le 30/10 à Gand.

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