Johnny Winter: Grand blues blanc

Guitarist Johnny Winter © REUTERS
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Il valait bien Clapton, mais le destin en a décidé autrement: Johnny Winter, mort le 16 juillet, a toujours été une sorte de marginal-star de la vieille transe du Delta.

Prémonition macabre sous forme d’adieu avant le grand départ ? Il y a quelques semaines à peine, sortait un coffret de quatre CD (The Johnny Winter Story, Sony Music) rendant hommage en 57 titres à John Dawson Winter III, né le 23 février 1944 à Beaumont, Texas. Albinos, tout comme son cadet Edgar qui épousera pareillement la musique, Johnny naît dans un des états les plus conservateurs de l’Amérique mais sous égide parentale plutôt libérale. D’où sans aucun doute, la volonté de transcender une double péripétie: être un drôle de blanc qui joue la musique incarnant au mieux la pauvreté morale et économique des blacks de l’Amérique ségrégationniste. Grand amateur des harmonies suaves à la Everly Brothers, il produit son premier disque alors qu’il n’a que quinze ans, sous le pseudo Johnny And The Jammers.

Ces années-là, son université s’appelle à la fois B.B. King, Bobby Bland et Muddy Waters, vus et adorés en live. Winter ne peut pas encore savoir qu’à la fin des années septante, il produira et accompagnera plusieurs albums de Waters, légende électrique, père du Chicago Blues et influence décisive de la génération sixties, les Rolling Stones se baptisant bien évidemment d’un de ses titres. Comme son prestigieux aîné black, Johnny a un sens inné de l’espace, du tempo et de la saignée qui vient rétamer son jeu de guitare, sans la vaine virtuosité de futurs acrobates à la Steve Vai mais avec ce spleen poisseux qui densifie l’air des cordes agglutinées autour d’un chant également vibrant. Que ce soit dans ses propres morceaux ou dans les innombrables reprises qui ponctuent sa carrière -une trentaine d’albums entre 1968 et 2011- Winter fait preuve d’une verve et d’une inventivité théâtrales, que la scène décuple encore. Faut entendre comment le standard de Chuck Berry –Johnny B. Goode- devient un hymne à la transe de vie, Winter semblant coudre sur l’original, des accords libertaires et gourmands qui, au final, rendent toujours compte à la mélodie première. Il se produit au Festival de Woodstock le 18 août 1969 aux douze coups de minuit, mais malgré 65 minutes incendiaires, sa performance n’est pas reprise dans le film de l’événement.

Sa grande période commerciale, court de la fin des années soixante à la fin de la décennie suivante, quand son blues matriciel métissé de rock cru, rencontre le public des stades. Particulièrement aux Etats-Unis. D’une certaine manière, ce long type maigre et tatoué, aux cheveux neiges, volontiers flanqué d’un stetson XXL, partagera le dur karma de pas mal de bluesmen, s’enchaînant à la came et l’alcool, signant des contrats discographiques pas toujours généreux. Après un gap de douze années plus ou moins calamiteuses, Winter reviendra en 2004 avec I’m A Bluesman, avant-dernier album précédant l’ultime Roots publié en 2011. Un disque posthume, Step Back, était annoncé pour septembre 2014 avant que Winter ne soit trouvé mort -pour des raisons encore inconnues- dans sa chambre d’hôtel près de Zürich. Deux jours après une prestation à Cahors. Alors forcément, on remet Johnny B. Goode…

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