Gorillaz des as

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Le cartoon band de Damon Albarn passait jeudi soir à Anvers, pour sa dernière escale européenne. Compte-rendu.

Parfois – pas souvent -, on peut laisser tomber les outils critique. Les ranger soigneusement dans leur boîte. Jeudi soir, à la Lotto Arena, le concert de Gorillaz était à peine commencé que l’on avait déjà déposé tout l’attirail. Clair qu’il ne servirait pas. Non qu’il n’y ait rien à dire sur la superproduction proposée par Damon Albarn. Au contraire. A chaque seconde, il se passe quelque chose, que ce soit sur l’écran géant diffusant les cartoons délirants de Jamie Hewlett – tout sauf du Disney – ; ou sur la scène même, occupée à certains moments par près d’une trentaine de musiciens. Au septet de cordes féminin répondent ainsi les gaillards du Hypnotic Brass Band, tandis que Mick Jones vient tailler une bavette avec Paul Simonon – la moitié des Clash, là, devant vous, cela reste quand même phénoménal, non ? Et puis il y a Bobby Womack. BOBBY WOMACK ! Fulgurant sur Stylo, déchirant sur Cloud of unknowing. Ce n’est plus un concert mais une revue pop de très haut vol, de l’entertainment qui a du souffle, dans lequel on a envie de se noyer complètement – pas pour oublier, mais bien pour y trouver le kick nécessaire pour donner un bon coup de pied au cul à la grisaille ambiante (@VDM) : on avait oublié que l’enthousiasme et la passion étaient contagieux.

Remuer une telle machine n’est pas léger. Et Albarn l’avoue, en arrivant l’après-midi devant la salle, il s’est bien demandé s’il arriverait au bout de cette dernière escale européenne de la tournée Escape To Plastic Beach. Mais le public est là pour booster les troupes. Un collectif guidé, plutôt que commandé, par le chanteur de Blur qui ne s’épargnera finalement jamais. Etonnant de voir comment d’un roquet arrogant de la Britpop, Albarn a muté en un chef d’orchestre décomplexé et bienveillant, musicien ouvert et généreux. Aujourd’hui, il est donc capable de mêler hits et expérimentations, rock et hip hop, orchestre syrien et mélodica dub. Tout comme d’enchaîner Broken et Empire Ants – avec Little Dragon -, duo de ballades à pleurer, et puis laisser la place à De La Soul, ambianceurs de luxe. Sur Feel Good Inc, Albarn fait face à Maceo pour un duel de gueulante : à qui le rire le plus monstrueux ? Parfois, un concert, ce n’est pas plus compliqué que ça…

A ce moment-là, Tom Barman a depuis longtemps quitté son siège pour danser dans les travées. Plus loin, Ray Cokes a la banane. Comme tout le monde en fait. Donc oui, on s’incline. Rien à dire. Le son pas terrible ? On s’en est à peine aperçu. L’enthousiasme, l’inventivité, l’élan, l’impression de vivre un moment (et non un gig parmi d’autres inscrit au programme d’une longue tournée mondiale) l’ont emporté. Le journaleux peut déposer sa plume trempée au cynisme : cette fois, pas de champagne dans le carré VIP, dude… Dire ça, ce n’est pas une démission du critique. C’est, au contraire, une victoire : contrairement à ce que prétend la rumeur, tout ne se vaut pas. La preuve…

Laurent Hoebrechts

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