Nurten Aka

Crossing the bridge

Nurten Aka Journaliste scènes

Sur les scènes européennes, des échappées « arabes » fleurissent, qui démultiplient (et équilibrent) les visions du monde. La Belgique est aux premières loges.

La chronique de Nurten Aka

En Belgique, on ne s’étonne plus de croiser les spectacles des Libanais Rabih Mroué et Lina Saneh. On découvre la danse du Marocain Taoufik Izeddiou ou de l’Algérienne de France Nacera Belaza. Des structures culturelles s’y investissent: le Kunstenfestivaldesarts, les Halles de Schaerbeek, le KVS, Moussem ou le Monty à Anvers. Comme l’explique Nedjma Hadj, programmatrice aux Halles: « Entre le Maghreb et le Moyen-Orient, le champ est très vaste, les langages artistiques très différents, purement esthétiques ou « engagés ». Le plus important, c’est l’accompagnement de ces artistes car sans moyens ni structures dans leurs pays, ils s’épuisent. »

Cela gonfle parfois les artistes d’être ramenés à leur identité arabe, mais il leur est difficile d’évacuer la géopolitique de l’après-11 septembre, la montée de l’islamisme, de l’islamophobie et les révoltes arabes. « Le 11/9, poursuit Nedjma Hadj, est une date choc qui a changé le rapport entre « Arabes » et « non-Arabes » et questionné les Arabes eux-mêmes: ça veut dire quoi islamisme, musulman? Mais ces questions peuvent aussi être dépassées. Il faut donner la liberté aux artistes de ne pas être de simples porte-drapeaux et respecter leurs parcours artistiques individuels. » Ainsi, l’excellent metteur en scène iranien Amir Reza Koohestani (Mehr Theatre Group de Téhéran) sera en juin à Bozar avec Ivanov de Tchékhov!

Pointu et… populaire

Daba Maroc/Le Maroc Maintenant va enchaîner plus de deux mois de festivités pluridisciplinaires (théâtre, danse, expos, cinéma, littérature…) dans différents lieux du pays. Dans un mois, surprise: le Théâtre de la Toison d’Or affiche La Vie, c’est comme un arbre ou le périple rocambolesque, en 1964, de trois Marocains s’envolant pour « l’eldorado » belge. Une première au TTO: « Je cherche, dit sa directrice Nathalie Uffner, plusieurs genres d’humour, pas seulement Sébastien Ministru ou Laurence Bibot. À la Maison des Cultures de Molenbeek, j’ai découvert une pièce super drôle sur le thème de l’immigration. Par les temps qui courent, il est important d’en parler. Pour moi, pas d’engagement politique derrière cela. » En Belgique, les lignes bougent, avec l’appui de la Maison des Cultures de Molenbeek, de l’Espace Magh et des Halles. Un melting-pot plutôt divertissant et populaire comme chez Zidani, Mohamed Ouachen, Sam Touzani, Ben Hamidou… D’autres artistes se frayent un chemin sans l’étiquette « arabe » comme Soufian El Boubsi, Jasmina Douieb, Rachid Benbouchta, Nabil Missoumi ou Ahmed Ayed récemment sorti de l’IAD avec une adaptation d’Alice de Lewis Caroll. Sans oublier le chorégraphe anversois Sidi Larbi Cherkaoui… Leurs projets transcendent la couleur « exotique » de leurs noms. C’est déjà ça. Car parler de la « scène arabe », c’est finalement marcher sur des clichés ardents. Ces artistes méritent mieux qu’un slogan réducteur.

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